Le parcours international de Patrick Kim, directeur R&D chez Benteler

Patrick Kim, docteur en sciences des matériaux, revient sur son parcours universitaire et professionnel, qui l’a conduit en Europe (France, Suisse, Allemagne), en Amérique du Nord (USA) et en Asie (Japon).

Cinq pays, cinq cultures : autant de façons de voir le monde de l’éducation et du travail !

Une formation hautement internationale

Il est assez rare qu’une personne interviewée remonte jusqu’à la période précédant le lycée mais Patrick Kim y tient car c’est pour lui un élément-clé de sa carrière.

C’est en effet après sa 3ème que sa famille déménage aux USA pour raisons professionnelles. Au lycée, il découvre son intérêt pour les maths et décide de poursuivre des études d’ingénieur. Sa très bonne scolarité lui permet d’accéder au prestigieux MIT et il y obtient son « Bachelor of Science in Civil Engineering ».

Patrick Kim affirme que s’il n’avait pas connu le système éducatif américain, différent du système français dans son approche pédagogique, il n’aurait certainement pas choisi la voie scientifique. En France, l’enseignement transmet son savoir et les étudiants « absorbent » ces informations sans forcément avoir été confrontés à une application tandis qu’aux USA, l’enseignement est beaucoup plus pratique et c’est à partir de l’étude de cas concrets que l’on en retire les lois générales.

Après son « Bachelor » et sur recommandation d’un de ses encadrants d’origine suisse (dont le nom n’est autre que… Mr Einstein !), il passe un an à l’Ecole Polytechnique de Zurich en bénéficiant d’un financement Fulbright. Quand il revient aux USA, il intègre Berkeley et obtient son « Master of Science in Engineering ».

Poursuivre en thèse est une option qu’il ne choisit pas dans un premier temps et retourne en Suisse comme ingénieur de recherche au sein des laboratoires fédéraux d’essais et recherche en matériaux (EMPA). Au bout de deux ans, il se rend compte qu’il a besoin d’aller encore plus loin dans ses connaissances des matériaux et entame une thèse à l’EPFL de Lausanne pour laquelle il obtient un financement de quatre ans par le gouvernement helvétique. Son projet professionnel est alors de rester dans l’enseignement et la recherche. Deux aspects de sa formation doctorale lui ont particulièrement plu : l’enseignement (aider les autres à progresser, maîtriser un sujet et savoir transmettre ses connaissances) et l’international (collaboration avec des laboratoires aux USA, au Japon, en Suède…).

Son affinité particulière avec la langue japonaise, qu’il a commencé à apprendre au MIT, le conduit à accepter un poste de « associate professor » à l’Institut technologique Shonan à Fujisawa (le Japon ouvre de plus en plus l’accès à son corps enseignant aux étrangers). Il a alors pu constater une grande différence de comportement entre les étudiants américains (proactifs) et les étudiants japonais (pour une majorité peu concernés par leurs cours mais plutôt intéressés par l’obtention d’un diplôme d’une école cotée – les recruteurs japonais étant sensibles à l’école dont sont issus les candidats, même après des années d’expérience).

 

Une évolution de carrière dans le secteur automobile : du constructeur à l'équipementier

Malgré une ouverture internationale du corps enseignant japonais, les universitaires étrangers ne sont pas réellement intégrés dans les plans de développement de carrière. A cela se sont ajoutées certaines frustrations (projets stoppés par son supérieur, manque de résultats concrets) qui ont conduit Patrick Kim à se tourner vers le secteur privé à 34 ans, âge limite selon lui pour opérer cette réorientation. Une des plus grandes difficultés à laquelle il a été confronté lors de sa recherche d’emploi a été son éloignement géographique, en particulier sur des candidatures en France et en Allemagne. Pourtant, c’est en Allemagne et après une quarantaine de candidatures infructueuses qu’il va faire ses premières armes dans le privé chez Daimler, où il va occuper le poste de « Fachreferent » (expert) pour ensuite évoluer sur des postes managériaux (« Production Planning/Strategy Manager »). Etre titulaire d’un doctorat en Allemagne est un véritable atout, comme le reconnaît Mr Kim : c’est à la fois une porte d’entrée vers les entreprises et un tremplin pour une évolution de carrière. Néanmoins, cela ne veut pas forcément dire que la personne a les compétences pour gérer une équipe. Pour passer d’une fonction d’expert à une fonction managériale, Patrick Kim est passé par un assessment center organisé par la DRH, afin d’évaluer les capacités de quelques salariés à prendre la responsabilité d’une équipe.

Si Patrick Kim a excellé dans l’exercice de communication, il n’en a pas été de même pour les autres exercices. C’est finalement la discussion menée avec un des directeurs après l’assessment center qui lui a permis de prendre la tête d’une équipe de trois personnes.

Après sept ans passés chez Daimler, Mr Kim passe de l’autre côté du Rhin chez un autre constructeur automobile, Renault, où il reprend la direction d’une fonction d’ingénierie comptant 400 personnes réparties sur 8 sites. Il le reconnaît lui-même, son évolution de carrière est assez atypique et sans le soutien de l’entreprise (coaching, formation complémentaire en management…), il n’aurait peut-être pas osé franchir le pas, à savoir passer de la gestion d’une petite équipe à celle d’une équipe beaucoup plus importante. Cette étape n’a pas été facile mais grâce à cet accompagnement et à sa formation managériale chez Daimler, il s’en est sorti.

Depuis 2012, il occupe le poste de directeur du département R&D chez Benteler Automotive, sous-traitant automobile allemand employant 25.000 personnes réparties sur 70 sites dans 28 pays.

 

Quelles différences interculturelles entre la France et l'Allemagne, dans un contexte professionnel ?

En France, alors même qu’une décision est prise, on a tendance à la remettre en question. Il y a un certain manque de discipline, que l’on retrouve aussi en Allemagne mais dans une moindre mesure. La notion de « Verbindlichkeit » (s’engager à agir dans le but d’atteindre les objectifs fixés et se tenir à son plan d’action) est beaucoup plus forte en Allemagne qu’en France.

La reconnaissance du parcours universitaire lors du recrutement ne va pas être la même selon les pays. En France, on va privilégier les profils « grandes écoles » car plus facilement compréhensibles (on sait plus facilement où les placer). En Allemagne, on accorde beaucoup d’importance au titre de docteur (signe visible et synonyme de crédibilité) mais aussi à la performance (résultats obtenus jusqu’à présent). Aux USA, c’est la performance qui prime (surtout après des années d’expérience).

 

Quels conseils pour les doctorants et jeunes docteurs ?

Si une orientation professionnelle vers le secteur privé est privilégiée, il faut s’assurer d’établir un contact étroit avec le monde industriel pendant la thèse. C’est à travers des collaborations avec des entreprises que l’on se rend compte qu’il y a des compétences autres que celles purement scientifiques et techniques à maîtriser pour réussir en entreprise.

S’engager dans une formation doctorale nécessite de bien réfléchir aux raisons motivant ce choix, quitte à prendre son temps entre la fin du master et le début de la thèse. Mr Kim a travaillé 2,5 ans dans un laboratoire avant de commencer sa thèse et insiste sur le fait que cette « pause » l’a vraiment motivé pour la suite car il savait pourquoi il faisait de la recherche.

S’ouvrir à l’international est un impératif ! Maîtriser l’anglais ne suffit pas. Pour avoir une vraie valeur ajoutée sur le marché de l’emploi, mieux vaut parler une langue dont le pays peut ouvrir de réelles perspectives professionnelles : l’allemand, le coréen ou bien encore le chinois.

 

Le mot de la fin : laissez-vous le temps d’observer d’autres aspects du monde professionnel en vous ouvrant à d’autres domaines !