Paroles de docteur : Itane Lacrampe Camus, PhD en Géographie sociale et entrepreneuse

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C'est au cours de la finale du concours de pitch professionnel 2020 que nous avons fait la connaissance d'Itane Lacrampe Camus. Docteure en géographie sociale depuis peu, elle est également la moitié du tandem d'entrepreneuses aux commandes du projet NARRAU. Découvrez son témoignage et ses conseils...

Auteure : Itane Lacrampe - Camus


Présentation

Le doctorat et la recherche

NARRAU : le trait d’union entre recherche et entreprenariat

L’après-doctorat

Conseils


Présentation

Je m’appelle Itane Lacrampe-Camus, et je suis docteure en géographie et aménagement de l’espace. À la suite de ma soutenance de thèse, je me suis associée à une collègue et amie, afin de développer notre projet nommé NARRAU (du latin narro qui signifie raconter), spécialisée dans la recherche-action en sciences humaines et sociales. Notre objectif principal est de raconter les réalités sociales des populations, avec la rigueur de la démarche scientifique, et la mise en valeur que permettent les nouvelles technologies.

Nous construisons chaque jour NARRAU comme une entité qui fait le lien entre les différents acteurs de la société et des territoires : chercheur.e.s, associations et ONG, entreprises, collectivités territoriales. Pour cela, nous transférons les résultats de la recherche en Sciences Humaines et Sociales pour accompagner les manières d’agir. Nous nous positionnons comme des « chercheures en société » qui cultivons ce lien entre réflexivité et action. Nos missions se déclinent ainsi en quatre mots clefs : chercher, raconter, accompagner, former.
Nous menons des projets de recherche en privilégiant la dimension participative et éthique afin de faire dialoguer cette diversité d’actrices et d’acteurs, et pour développer des projets innovants et bénéfiques à toutes et à tous. Nous valorisons les résultats de la recherche scientifique et notamment des jeunes chercheur.e.s, de manière à les rendre accessibles à tou.te.s, en particulier aux acteurs qui œuvrent sur le terrain pour produire des changements au service de la justice sociale et de la protection de l’environnement. Nous accompagnons les associations et ONG, au travers de la formation professionnelle, pour qu’ils renforcent leur expertise auprès de leurs publics cibles. Enfin, nous transmettons nos savoirs et nos expériences à des étudiant.e.s de l’enseignement supérieur, convaincues qu’ils/elles sont les acteurs et actrices d’aujourd’hui et de demain pour répondre aux défis socio-économiques et environnementaux de notre monde. 

 

En quoi consiste votre activité et vos responsabilités au quotidien ?

Nous sommes deux dans cette aventure NARRAU, Anaïs Trousselle et moi-même, et afin de développer notre activité le mieux possible, nous nous efforçons d’être polyvalente l’une comme l’autre. Toutefois, nous nous sommes réparties certaines tâches. Je prends en charge le volet communication de NARRAU, et Anaïs, celle qui a eu l’idée originale du projet NARRAU et sans qui rien de ce que nous faisons aujourd’hui ne serait possible, est responsable de la stratégie globale de notre projet. Elle prend également en charge une grande partie des (lourdes !) tâches administratives.

En ce début d’année 2021, notre temps est principalement partagé entre :

Votre profil LinkedIn vous présente comme "specialist in social geography and qualitative research" et "specialized in field data collection, valorisation and diffusion of humanities and social science research". Pouvez-vous expliciter ?

En tant que géographe, je suis spécialisée en géographie sociale et géographie des migrations. Dans mes travaux de recherche, je privilégie une méthodologie qualitative, en réalisant notamment des observations sur le terrain et des entretiens individuels et collectifs. Cette perspective me conduit à mettre en place, dans la mesure du possible, des travaux de terrain longs et immersifs aux côtés des populations avec lesquelles je travaille.

Mes expériences dans la conduite de travaux de recherche me permettent de mettre en avant une solide compétence dans la collecte de données sur le terrain. Par ailleurs, au sein de NARRAU, outre l’analyse des données dans un but scientifique, nous cherchons notamment à valoriser ces données et à les diffuser à un large public. Nous travaillons à transmettre les connaissances scientifiques et les données récoltées à travers des médiums alternatifs, tels que des infographies, des cartographies interactives ou des vidéos. Nous nous définissons comme des « chercheures hybrides », qui produisent du savoir, et qui recherchent la meilleure manière d’appliquer ce savoir aux réalités et aux besoins des actrices et acteurs sur le terrain.

 

De même, vous êtes "spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux et des pratiques de leurs utilisateurs". C’est une expertise extrêmement actuelle. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

J’ai développé une expertise dans l’analyse des réseaux sociaux numériques (particulièrement Facebook et Whatsapp) lors de mon doctorat. Dans ma thèse, j’ai étudié la migration de jeunes d’origine latino-américaine entre l’Espagne et Londres (phénomène migratoire porté par des nouveaux citoyen.ne.s européen.ne.s et qui participe à la complexification du panorama migratoire en Europe). En arrivant à Londres, grâce à différents contacts, j’ai été rapidement ajoutée sur des groupes de discussion privés entre les personnes migrantes sur Whatsapp et sur Facebook. J’avais accès à l’ensemble des messages et des contenus échangés entre les utilisateurs et utilisatrices des plateformes. C’était une véritable mine d’or pour la recherche, mais qui bien-sûr pose plusieurs questions éthiques (par exemple, nous ne pouvons pas présupposer qu’une fois l’information en ligne, l’internaute juge qu’elle appartienne au domaine public).
La déontologie scientifique m’a conduite à me présenter aux administrateurs et administratrices des groupes dans un premier temps afin d’avoir leur accord pour : poster des messages expliquant ma recherche ; partir à la rencontre de volontaires pour réaliser des entretiens individuels ; étudier et analyser les informations échangées. Ma demande a été reçue positivement dans la plupart des cas.

À partir de là, j’ai collecté les informations sur un groupe Whatsapp et un groupe Facebook de manière quotidienne pendant un an. Autrement dit, j’ai annoté l’ensemble des messages et analysé les contenus (images, vidéos, articles) échangés sur ces groupes. J’ai créé une base de données avant de classer et analyser les données de manière systématisée afin d’en tirer des indicateurs, dans mon cas, sur les conditions de vie et de travail des personnes migrantes d’origine latino-américaine à Londres. Cette expérience d’analyse des données numériques m’a permis de découvrir plusieurs enjeux autour de l’ethnographie digitale (également nommée ethnographie numérique), et d’éclairer autrement les dynamiques migratoires actuelles à partir d’un « terrain numérique ». Ce champ de recherche passionnant nous offre plusieurs outils pour appréhender différents phénomènes sociaux, et pour comprendre comment certaines pratiques se transforment, tel que les usages de l’espace public, les mises en relation entre les individus, la façon d’accéder à l’emploi, au logement, ou comment des discriminations et des exploitations se perpétuent dans des sociétés régies par le numérique. Ce type de recherche permet de dépasser la simple dichotomie entre online et offline, et de réfléchir plutôt à comment Internet et les NTIC sont intégrées et donnent forme à notre vie quotidienne.

 

Parlez-nous de ce qui vous plaît et de ce qui vous plaît moins dans votre activité

L’aventure NARRAU nous permet au quotidien de nous engager et de prendre position face à des problématiques de sociétés qui nous importent. C’est ce qui nous réjouit et nous rend le plus fières.

De manière concrète, ce projet nous permet de varier nos activités, d’être sans cesse stimulées intellectuellement, de découvrir et d’être en contact avec des univers professionnels différents, ce qui est très appréciable et formateur. Cela implique de faire preuve d’une capacité d’adaptation, d’employer le langage approprié avec chaque interlocut.eur.rice, et de jongler avec les temporalités de chacun.e. Ces réalités fondent nos défis quotidiens et forgent de jour en jour notre valeur ajoutée qui rend NARRAU unique.

 

Que vous apporte l’expérience du doctorat dans l’exercice de vos responsabilités qui ne relèvent pas d’une activité de recherche ? 

L’expérience du doctorat permet d’aiguiser de nombreuses compétences essentielles et recherchées dans de nombreux domaines professionnels : l’autonomie dans le travail, l’organisation, la gestion du temps et du stress ! Le travail de doctorat est une activité très solitaire, qui nous apprend à faire face seul.e à de nombreux défis et à être multitâches. C’est une expérience qui forme tout particulièrement à l’activité entrepreneuriale, malgré les idées préconçues qui catégorisent le doctorat comme une activité scolaire poussée à son paroxysme. Un.e entrepreneur.e doit mener de fronts différentes activités, ne pas compter ses heures, chose commune lorsque l’on rédige une thèse de doctorat. Par ailleurs, mener un travail de recherche nous permet de mettre en avant une solide capacité d’analyse, de réflexion et de synthèse. Nous sommes à même de prendre le recul nécessaire sur une situation et une problématique donnée, et de proposer à nos collaborat.eur.rice.s et client.e.s de nouvelles pistes et solutions adaptées à leur réalité.

 

Le doctorat et la recherche

Quel a été votre parcours jusqu’au Master 2 ?

Dès l’obtention de mon baccalauréat (option L), je me suis dirigée vers des études en géographie. J’étais motivée par la variété des perspectives professionnelles dans des domaines comme la protection de l’environnement, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, ou la cartographie. Au cours de mes études, j’ai eu la chance de découvrir la discipline à travers différentes écoles de pensées. J’ai suivi des cours dans plusieurs universités en France, et en Espagne lors d’un séjour Erasmus. Suite à une licence en géographie et aménagement du territoire, je me suis engagée dans un master de géographie spécialité mondialisation et développement à l’université d’Aix-Marseille, où j’ai réalisé deux mémoires de recherche à la croisée de la géographie sociale et de la géographie des migrations.

 

De quelle manière s’est construit votre projet doctoral ? 

C’est lors de mon master 2 et de mon deuxième mémoire de recherche qu’a émergé progressivement le souhait de poursuivre l’activité de recherche en doctorat. J’ai peu à peu découvert des champs de recherche qui me passionnaient, notamment l’étude des phénomènes migratoires. Mon encadrante de master m’a énormément épaulée dans cette démarche, et m’a poussée à donner le meilleur de moi-même. À la suite de mon master 2, j’ai travaillé pendant un an (en tant que professeure particulière et assistante d’éducation) et j’ai construit mon projet doctoral.

J’ai postulé à un contrat doctoral à l’Université Paul-Valéry Montpellier III (après avoir essuyé un refus à l’Université d’Aix-Marseille) que j’ai obtenu. J’ai donc pu bénéficier d’un financement pendant 3 ans, et j’ai ensuite pris une année supplémentaire pour terminer la rédaction de ma thèse en bénéficiant des indemnités chômage. Cette situation en fin de thèse est malheureusement « classique » pour beaucoup de doctorant.e.s, alors qu’elle dessert la personne pour penser sereinement son parcours post-thèse. La majorité des thèses de qualité en SHS sont réalisées en plus de 3 ans, ce qui nous conduit à réfléchir sur la temporalité des financements alloués pour mener un doctorat. En ce sens, l’expérience de la thèse confronte les doctorant.e.s a une pluralité de situations « anormales » ou générant des souffrances. Je vous conseille d’écouter le podcast Thésard-es qui a l’audace de révéler toutes ces réalités invisibilisées.

 

 

Plus concrètement, comment avez-vous géré le temps au cours de votre doctorat ?

Lors de la première année de doctorat, j’ai effectué un long travail bibliographique et de cadrage du projet de recherche, et également deux missions courtes de terrain exploratoires (à Madrid) afin d’affiner mes questions de recherche et de préparer les missions longues de terrain. Cette première année a été également l’occasion d’organiser un premier séminaire scientifique et de découvrir le monde de la recherche et le fonctionnement de mon laboratoire dans lequel je me suis particulièrement investie. J’ai été représentante des doctorant.e.s, membre élue au sein du conseil de laboratoire, responsabilité grâce à laquelle j’ai organisé des doctoriales et des ateliers à destination des doctorant.e.s. J’ai consacré ma deuxième année à la collecte de données sur le terrain, à Madrid, à Londres, et sur les réseaux sociaux numériques. À partir de la troisième année, et après avoir débuté l’analyse de données, j’ai pu commencer la rédaction d’articles scientifiques. Peu à peu, le travail est devenu de plus en plus solitaire, et j’ai consacré l’entièreté de la quatrième et dernière année à la rédaction.

NARRAU : le trait d’union entre recherche et entreprenariat

Tout d’abord, NARRAU c’est quoi ?

NARRAU est né d’une triple volonté. Premièrement, celle de continuer à faire de la recherche hors des voies universitaires classiques. Deuxièmement, celle de continuer à réaliser de véritables enquêtes en immersion sur le terrain, notre leitmotiv au sein de NARRAU. Enfin, nous souhaitons faire sortir les savoirs scientifiques d’un univers académique parfois trop cloisonné. Tout en voulant bousculer les manières de faire de la recherche, nous désirons mettre en avant des travaux d'une rigueur scientifique de premier plan, et qui donnent la parole à celles et ceux qui sont souvent invisibilisé.e.s au sein de nos sociétés.

 

Le projet NARRAU s’est-il inscrit dans le prolongement direct et naturel de vos travaux de recherche ? 

J’ai rencontré Anaïs lors de mon premier jour à l’UMR ART-Dev dans lequel nous avons effectué nos thèses. Elle m’a fait découvrir l’unité, et m’a épaulé dans mes premiers pas de doctorante. Rapidement, nous avons développé une forte amitié qui ne cesse de croitre. Nous avons appris à travailler ensemble, en organisant des séminaires, et en étant toutes deux membres élues du conseil de laboratoire. Surtout, nous nous sommes retrouvées autour de valeurs communes, et d’une envie de se projeter autrement dans l’après thèse, autrement qu’en suivant les voies toutes tracées par le milieu académique qui malheureusement, sont de plus en plus difficiles à emprunter pour les jeunes docteur.e.s, quelle que soit la qualité de leurs travaux de recherche.

Le projet NARRAU s’est construit à partir des limites observées dans le monde de la recherche. Celui-ci produit des résultats d’une grande richesse et de haute qualité, mais qui ne sont malheureusement pas ou peu valorisés. Ils ne sont pas accessibles à tou.te.s, insuffisamment médiatisés, ou publiés dans des formats peu digestes pour le grand public. Qui plus est, le monde universitaire fonctionne sur la base de hiérarchies professionnelles qui sont souvent défavorables aux doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s alors que leur énergie et leur créativité sont de véritables atouts dans ce monde professionnel qui ne sait les valoriser. Nous souhaitions par NARRAU nous extraire de cette réalité professionnelle et valoriser les jeunes docteur.e.s au travers de nos collaborations. Cette démarche nous a permis de nous reconnecter au monde de la recherche, avec qui nous travaillons au quotidien, sous un rapport de force équitable et basé sur des liens sains et de confiance. Cet aspect était essentiel pour nous et nous en sommes fières aujourd’hui. 

Anaïs a soutenu sa thèse quelques mois avant moi, et avait muri le projet NARRAU depuis longtemps. À la suite de ma soutenance, elle m’a proposée de la rejoindre dans cette aventure, et c’est tout naturellement que j’ai accepté. Quoi de mieux que de se lancer dans une telle expédition intellectuelle et professionnelle aux côtés d’une amie de confiance ?

 

Si la voie entrepreneuriale est de plus en plus visible et accessible pour les docteurs des disciplines issues des sciences exactes et naturelles, c’est a priori moins le cas pour les sciences humaines et sociales.
Comment en êtes-vous arrivée à NARRAU ?

C’est en effet moins le cas pour les sciences humaines et sociales, et nous nous en sommes rendus compte lors de notre année de création. Avant de finir sa thèse, Anaïs a pu suivre le programme PEPITE et le dispositif Activ’Créa de Pôle Emploi, ce qui lui a permis de consolider et renforcer ses connaissances, et de lui fournir de nombreux outils pour mieux créer une entreprise. Lors de ces premières formations, elle a compris la nécessité d’être accompagnée dans son projet afin d’en assurer la pérennité. Toutefois, les dispositifs existants demandent un fort investissement en temps alors que la plupart des entrepreuneur.e.s français.e.s sont de petites structures où les porteur.se.s de projets sont déjà très sollicité.e.s. Qui plus est, dans notre cas, nous nous sommes rendus compte de l’inadéquation qui pouvait exister entre les outils proposés par les accompagnant.e.s et les projets et métiers de demain, comme ce que nous faisons au sein de NARRAU, tournés vers la transversalité et des fonctionnements horizontaux.

Fort heureusement, nous avons fait jouer notre réseau, et nous sommes parties à la rencontre de personnes ayant monté des projets similaires. Anaïs a pu s’entretenir avec des structures semblables à la nôtre. Nous avons privilégié des personnes avec une expérience commune de l’entreprenariat. Faire jouer le réseau, et surtout n’avoir pas peur de toquer aux portes pour demander des conseils, a été essentiel pour le développement de NARRAU les premiers mois, afin de rencontrer des « mentors » comprenant notre projet est acceptant de nous aider.

 

Votre « compagnonne d’armes » Anaïs Trousselle est présentée comme « ingénieure en agro-développement », en plus de son doctorat en géographie. Parlez-nous de la place de l’interdisciplinarité au sein de NARRAU ? 

En effet, Anaïs est ingénieure en agro-développement et docteure en géographie sociale, ce qui confère à son profil une dimension très opérationnelle. NARRAU est justement né du croisement entre dimension pratique et recherche, et de la volonté d’articuler ces univers. C’est en sens que nous nous positionnons comme des « faiseuses de liens ». S’ouvrir à la diversité des points de vue et des manières de faire constitue le socle de la posture que nous défendons afin de répondre aux problématiques et enjeux contemporains. C’est pour cela que nous cultivons toujours davantage l’interdisciplinarité dans nos travaux, et que nous avons mis en place un comité scientifique en suivant cette logique. Il regroupe plusieurs disciplines et thématiques, des jeunes docteur.e.s créatifs et créatives, et des chercheures expérimentées. Bien qu’ils/elles aient des parcours différents, ils/elles ont en commun de défendre la pratique du terrain et de mener des recherches sur des problématiques de société contemporaines.


 
Quelles sont les nouvelles compétences acquises en développant NARRAU ?

NARRAU est une formidable source d’épanouissement professionnel et personnel. Nous avons pu concrétiser les appétences développées au cours de notre doctorat, pour de nouveaux sujets et outils méthodologiques. Cet aspect est d’autant plus satisfaisant après une immersion dans un monde académique qui nécessite de ne pas démultiplier les spécialités. Aujourd’hui, les phénomènes migratoires constituent notre thématique de spécialité, mais nous l’avons élargie aux marginalités sociales et spatiales. Nous nous sommes également positionnées sur les interactions environnement-société, thématique qui nous passionne depuis de nombreuses années, et qui est un des fils conducteurs de nos parcours universitaires, notamment en géographie. Enfin, nous sommes à-mêmes de développer des protocoles méthodologiques innovants, et de pouvoir se former à de nouvelles techniques, audiovisuelles par exemple, sur lesquelles je souhaite particulièrement me perfectionner. En quelque sorte, NARRAU est notre champ des possibles.

Bien-sûr, NARRAU est aussi né de la volonté d’Anaïs d’expérimenter l’entrepreneuriat. L’aventure entrepreneuriale permet de se poser tous les jours de nouveaux défis, et surtout, d’acter des avancées et des victoires concrètes. Nous l’avons adapté à notre philosophie, celle de privilégier la qualité à la quantité. Nous trouvons satisfaction dans la rigueur et l’application que nous investissons dans la conduite de nos activités. C’est sur ces bases que nous avons construit notre modèle économique en intégrant aux côtés de la valeur économique, les valeurs sociale et environnementale de NARRAU.

L’après-doctorat

Vous avez soutenu votre thèse le 4 mars 2020, par conséquent pour vous l’après-thèse, c’est le présent… Quelles sont vos perspectives ? 

Un an après nos soutenances, nous avons accompli énormément de choses. Nous sommes fières d’avoir décroché notre premier financement pour mener un projet de recherche à Montpellier. Le projet IMPCoV « Immersion dans les structures d’accompagnement des populations migrantes en France : personnes migrantes, bénévoles et professionnels face au SARS-CoV-2 » est soutenu par la Maison des Sciences de l’Homme SUD (MSH SUD) et par la Fondation Croix Rouge. Dans ce cadre, nous allons travailler avec la Croix Rouge Montpellier et les associations La Cimade et RESF34 : trois structures qui accompagnent les personnes migrantes sur le territoire montpelliérain. Ce projet est un exemple concret de ce que nous cherchons à réaliser au sein de NARRAU. Il permet de faire le lien entre différent.e.s acteurs et actrices d’un territoire, et de mener une réelle recherche participative. Au-delà de la réalisation des observations et des entretiens, avec le public migrant et les salarié.e.s et bénévoles qui les accompagnent, nous comptons faire participer activement les enquêté.e.s à la production des données de recherche. En ce sens, nous allons notamment faire intervenir le pôle audiovisuel de la MSH Sud afin de récolter des matériaux sonores et visuels, qui nous permettront, outre un appui à l’analyse des données, de mettre en place des ateliers participatifs avec les personnes enquêtées afin de créer un espace de dialogue et de débat.

En parallèle, notre première année d’existence nous a permis de fortifier un solide réseau de professionnel.le.s. Nous avons construit différents partenariats afin de mener des contrats en collaboration. Nous avons répondu à plusieurs appels à projets, décroché plusieurs contrats d’enseignements, valorisé nos travaux de thèse sur notre site internet, et surtout, nous avons consolidé notre stratégie générale, nos cibles et nos objectifs. Nos perspectives à court terme sont donc principalement de continuer de sécuriser la dimension financière de NARRAU et de poursuivre le développement de notre offre.

 

De quelle manière la pandémie actuelle de Covid 19 affecte-t-elle votre travail ?

NARRAU est né avec cette pandémie. Elle a précipité le retour d’Anaïs d’Amérique centrale alors qu’elle venait de démarrer un premier projet de recherche participatif pour NARRAU au Nicaragua et, dans le même temps, elle nous a conduit à lancer pleinement le projet en France dès la fin mars 2020. C’est à cette date que nous avons acté notre collaboration et décidé de nous investir à 100% dans le développement de NARRAU. Disons que cette pandémie a reconfiguré le lancement de NARRAU.

La crise sanitaire complexifie le travail de terrain avec des protocoles à la fois sanitaires, administratifs et juridiques plus difficiles à conduire, mais nécessaires pour protéger nos partenaires et nous-mêmes, et en particulier les populations marginalisées auprès desquelles nous travaillons.

Je pense également que cela affecte notre prospection auprès des acteurs privés. Nous percevons que la crise sanitaire les a conduits à réduire le budget dédié à la conduite d’études. Le budget alloué à la recherche en SHS est également réduit, mais cela me semble-t-il, est davantage le fruit d’une crise structurelle du monde de la recherche que le résultat de la crise du covid-19. 

Dans le même temps, certains acteurs de la recherche et associatifs ont compris le besoin de documenter les réalités sociales qu’expérimentent les populations vulnérables durant cette crise, et des acteurs privés et publics ont pris conscience des enjeux environnementaux réels auxquels nous faisant face. Notre discours et notre offre sont davantage compris par certain.e.s et cela est encourageant pour la suite.  
 

Conseils

Une dernière série de conseils à l'attention des doctorants et docteurs

J’encourage tou.te.s les doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s à :

  1. se saisir de l’ensemble des compétences acquises pendant la thèse, quel que soit la discipline. Le monde de la recherche formate des personnes ultraspécialisées, qui sorties de leurs champs de recherche, ont l’impression de ne savoir rien faire d’autre. C’est une vision erronée et bien loin de la réalité.
  2. Nous devons davantage nous inspirer des autres pays où le PhD est bien plus valorisé qu’en France. L’exercice de la thèse est complet, et nous enrichit de multiples compétences valorisables dans de nombreux domaines professionnels.
  3. ll ne faut pas hésiter à davantage se mettre en avant et oser explorer, sortir de sa zone de confort et du monde académique.

Le mot de la fin ?

Doctorat en Sciences Humaines et Sociales et entrepreneuriat est une combinaison gagnante qui assure qualité et créativité pour répondre à des enjeux de société d’aujourd’hui et de demain. Il est temps que notre société valorise ces profils de qualité !

Aussi je vous invite à consulter notre page internet narrau.com et à nous suivre sur linkedIn. Si vous êtes intéressé.e par nos activités, contactez-nous !