Modélisation de dynamiques forestières et évaluation des services écosystémiques en contexte tropical. Application à l’analyse de scenarios sylvicoles à La Réunion.

Contexte et problématique scientifique

Les systèmes forestiers et leur fonctionnement assurent de nombreux services écosystémiques, incluant des services écologiques (habitats pour la biodiversité, stockage du carbone), économiques (valorisation des produits forestiers en matériaux biosourcés et/ou énergie), de régulation (protection contre les risques naturels liés à l’érosion des sols, atténuation des risques liés aux aléas climatiques) ou sociaux (emplois, tourisme, santé, culture). La gestion de ces espaces forestiers multifonctionnels requiert une analyse des compromis entre les services rendus, et l’adoption de méthodes permettant de prendre en compte d’une part la diversité de ces impacts pour éclairer la prise de décision, et d’autre part leur nature dynamique.  

La qualité des services écosystémiques rendus varie au cours du temps, en raison de dynamiques inhérentes au massif (croissance et régénération des espèces, exploitation forestière, dissémination d’espèces exotiques envahissantes) et d’aléas extérieurs (changement climatique, évènements météorologiques extrêmes comme les cyclones, incendies). Différents cadres méthodologiques existants (e.g., Analyse de Cycle de Vie/bilans carbone, outils de gestion forestière centrés sur les itinéraires techniques d’exploitation) permettent d’appréhender certains de ces services, mais ils reposent souvent sur une description stabilisée du système et, de fait, intègrent difficilement les risques liés aux perturbations aléatoires.

Ce projet de thèse propose de développer une approche systémique complémentaire à ces méthodes, afin de mieux intégrer les dynamiques spatiales et temporelles intervenant dans la gestion des systèmes forestiers, ainsi que la diversité des services écosystémiques qu’ils fournissent.

Cas d’étude : l'Ile de la Réunion

La thèse proposée s’inscrit dans le cadre du projet GIROFLEE (Gestion Innovante des RessOurces Forestières pour une EnergiE durable, lauréat du Programme Innovation Outre-Mer et financé par France 2030) avec comme terrain d’application les systèmes forestiers de l’Ile de la Réunion. Un enjeu majeur pour ce territoire insulaire, dans le contexte de sa transition énergétique, est de développer une filière bois énergie pour approvisionner les centrales thermiques existantes et réduire la dépendance aux combustibles importés. Cette filière en développement représente une opportunité pour mieux valoriser les terrains forestiers, mais elle doit prendre en compte les contraintes spécifiques du territoire (cyclones, risque incendies, accessibilité aux gisements) et anticiper les questions concernant la durabilité de la filière et les enjeux de conservation.

La principale zone d’étude du projet est la forêt des Hauts sous le Vent, dans l’Ouest de l’île. Située à l’interface entre espaces naturels protégés (Parc National) et terres agricoles, et comprenant des parcelles relevant du foncier privé et public (Office National des Forêts), cette zone est représentative des enjeux de gestion forestière à la Réunion et présente une diversité de formations forestières (plantations gérées, formations d’espèces exotiques envahissantes) et d’itinéraires techniques de gestion (exploitation, lutte, restauration, préservation).

Le/la doctorant(e) bénéficiera (i) des données et méthodes des équipes proposantes, acquises et développées dans des projets antérieurs sur cette même zone d’étude ; (ii) de l’expertise des partenaires du projet GIROFLEE et plus généralement des données générées par les autres actions techniques, scientifiques et d’animation territoriale.

Objectifs de la thèse et questions de recherche

L’objectif global de la thèse est de développer un cadre méthodologique d’évaluation des impacts de gestion forestière dans un contexte de changements globaux, par une approche de modélisation dynamique et spatiale.  Plus spécifiquement, les principales questions de recherche traitées sont :

• Comment modéliser la dynamique d’un peuplement forestier en intégrant différents types de changements (e.g., exploitation forestière, aléas climatiques, incendies) ?

• Quels indicateurs permettent de rendre compte de la multifonctionnalité des écosystèmes forestiers dans le contexte insulaire tropical de l’Ile de la Réunion ?
• Comment intégrer ces indicateurs dans une évaluation dynamique des impacts de gestion forestière selon différents scénarios de changements ?

Principales étapes de la thèse – méthodologie générale

Le/la doctorant(e), en relation avec l’équipe du projet GIROFLEE (chercheurs et acteurs forestiers), développera un modèle de dynamique spatiale permettant de simuler la dynamique d’un peuplement forestier en fonction de différentes contraintes et scénarios de gestion, ainsi que l’impact sur les services écosystémiques associés. Son travail principal portera sur la conception et l’évaluation du modèle ainsi que l’analyse de ses sorties. Les grandes étapes envisagées à ce stade sont :

• Analyse bibliographique scientifique et contextuelle (Réunion – projet GIROFLEE) ;
• Définition d’un cadre conceptuel de modélisation et construction d’indicateurs des services écosystémiques ;
• Implémentation du modèle (langage Ocelet www.ocelet.fr) ;
• Analyse de scénarios co-construits avec les partenaires du projet et acteurs du territoire.

Quelques références en lien avec le projet

• Albers A, Collet P, Benoist A, Helias A. 2020. Back to the future: dynamic full carbon accounting applied to prospective bioenergy scenarios. International Journal of LCA, 25:1242-1258.
• Blanco, JA, Lo, YH. 2023. Latest Trends in Modelling Forest Ecosystems: New Approaches or Just New Methods? Current Forestry Reports. 9, 219–229.
• Bley-Dalouman H, Broust F, Tran A. 2023. Combining remote sensing and a geographic information system to map and assess the accessibility of invasive alien species forest stands: Case of Acacia mearnsii on Reunion Island. Forests, 14 (10):2030, 19 p.
• Bley-Dalouman H, 2023. Approches spatiales de caractérisation de gisements forestiers en milieu tropical et contraint. Application à la valorisation en bois énergie d’Acacia mearnsii à la Réunion. Thèse de doctorat, Université de Montpellier, 190 p.
• Degenne P., Lo Seen D., 2016. Ocelet: Simulating processes of landscape changes using interaction graphs. SoftwareX, 5:89-95.
• Felipe-Lucia, M.R. 2021. Modelling dynamic ecosystem services. Nature Sustainability 4, 928–929.
• Russeil V., Lo Seen D., Broust F., Bonin M., Praene J.-P., 2023. Food and electricity self-sufficiency trade-offs in Reunion Island: modelling land-use change scenarios with stakeholders. Land Use Policy, 132(2023):106784.

Le/la doctorant(e) sera accueilli(e) en intégralité au CIRAD à Montpellier. Il/elle sera affecté à 2 laboratoires d'accueil aux compétences complémentaires :

- l’UR BioWooEB, qui possède l’expertise des filières biomasse énergie (mobilisation, procédés de transformation et valorisation, évaluation environnementale)

- l’UMR TETIS, qui possède l’expertise en géomatique, notamment en modélisation de dynamiques spatiales.

Le travail sera réalisé en forte interaction avec les partenaires du projet GIROFLEE, notamment l'ONF et l'INRAE. Les frais de fonctionnement du projet de thèse seront pris en charge par le Cirad, notamment l’accueil dans ses locaux, le matériel informatique, les déplacements terrain.

Nous recherchons d'abord un ou un(e) candidat(e) motivé(e), avec une formation ingénieur / Master en Sciences agronomiques ou en géomatique. Des connaissances sur la foresterie, les filières énergétiques et l’évaluation multicritères seraient des plus. Cette thèse nécessitera une familiarité avec/un intérêt pour les outils SIG, la programmation et la modélisation.

Le/la candidat(e) devra faire preuve de capacités de synthèse et de rédaction, ainsi que de qualités d’écoute et de collaboration pour établir des échanges de travail avec les équipes de recherche impliquées dans le projet de thèse, et les acteurs publics et privés à la Réunion associés au projet.

Enfin, des capacités de synthèse et de rédaction sont attendues, ainsi qu’une bonne maîtrise de l’anglais (écrit, oral).