Mobilité internationale: anticipez votre retour !
Bérénice Kimpe
Comme toutes les bonnes choses, l’expatriation a aussi une fin. Si les chercheurs préparent généralement bien leur départ, il en va autrement du retour qui reste pourtant une phase délicate car elle implique certains mécanismes psychologiques, comme nous l’explique Jean Pautrot, Président du Conseil Magellan de l’international [1].
Directeur de la Mobilité Groupe Services EDF jusqu’en 2009, Président du Cercle Magellan de l’International depuis 2005, sans oublier votre activité de coaching pour les expatriés, vous êtes un expert et surtout un grand passionné des questions de mobilité internationale !
Lors de notre première rencontre, vous m’aviez expliqué qu’il existait différents types d’expatriation et que la question du retour ne concernait pas tout le monde. Qui est confronté à cette question ?
« Le retour concerne en priorité des expatriés d’entreprise qui ont quitté leur pays d’origine pour une durée limitée, mentionnée dans leur contrat de mobilité. Le retour est un enjeu familial. Il concerne le salarié, mais aussi son conjoint et ses enfants. Il est important d’en discuter en famille. »
On peut donc dire que les docteurs qui effectuent une étape de leur carrière à l’étranger entrent également dans ce cas de figure.
En tant que coach, comment expliquez-vous la difficulté des expatriés à gérer leur retour ?
« Les difficultés du retour ne sont pas anticipées par l’expatrié et sont ignorées par son nouvel environnement. Comment imaginer qu’il est difficile de revenir chez soi ? C’est pourtant un processus qui touche toutes les nationalités : la culture d’origine n’explique pas le phénomène. Il s’agit en fait d’un réajustement culturel analogue à celui qui a été vécu au départ. On parle de choc culturel inversé.
Le retour se joue dès le départ. Lorsque les motivations de départ sont toxiques, par exemple fuir les lourdeurs de son pays, une famille étouffante, un management bureaucratique, au retour rien n’aura changé. L’expatrié doit alors se confronter à une réalité qu’il avait fuie.
L’expatrié a changé, son pays aussi. L’expérience d’une autre culture lui permet de porter maintenant un jugement sur sa propre culture.
L’expatrié se sent un étranger chez lui : à l’étranger, dans sa communauté d’accueil il attire l’attention par sa différence. Dans son pays d’origine, il n’est pas différent, et ressent l’indifférence de ses compatriotes. »
Vous venez d’évoquer les différents ressentis de l’expatrié de nouveau confronté à sa culture d’origine. Il y a donc des aspects émotionnels et psychologiques liés au retour. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne ?
« Le retour entraîne des pertes : de statut, d’autonomie, de rémunération et de style de vie.
Ces pertes déclenchent un mécanisme de deuil avec ses cinq phases caractéristiques :
- Déni : l’expatrié ne prend pas la mesure du retour
- Colère : il est agacé par les traits de sa culture d’origine
- Marchandage : il raconte son expérience pour la revivre et non pour la partager
- Tristesse : l’expatrié est découragé, parfois dépressif
- Acceptation : il fait des projets nouveaux (ici et maintenant)
Les phases du choc culturel inversé sont les mêmes que celles du deuil : enthousiasme, désorientation, découragement, acceptation. »
Quels conseils donneriez-vous alors aux expatriés pour réussir leur retour tant sur le plan professionnel que personnel ?
« La phase de marchandage est difficile à vivre pour l’entourage et les amis. C’est aussi un handicap dans la vie professionnelle. Un recruteur cherche des compétences, or l’expatrié raconte son expérience souvent sous forme anecdotique. Il insiste ainsi sur le contexte. Or, le Directeur de la filiale de Bordeaux convaincra plus facilement sur sa capacité à prendre la direction de la filiale de Lille que le Directeur de la filiale de Pékin. Dans le second cas, les contextes sont différents et l’expérience est plus difficilement assimilable à une compétence. L’enjeu de l’expatrié est de traduire son expérience en compétences transférables.
Le retour est donc une transition : la construction d’un avenir passe par la déconstruction du passé. Cette déconstruction signifie passer du vécu immédiat au souvenir, éviter la nostalgie. Traverser un lac est un exemple concret de transition. Pour atteindre l’autre berge, il faut accepter de s’éloigner de la berge d’où l’on est parti. »
Ces propos ont été recueillis suite à la participation de Jean Pautrot au séminaire européen "Encourager la créativité et l'innovation par la mobilité des chercheurs: stratégies et bonnes pratiques", qui s'est déroulé les 3 et 4 juin 2013 à Paris.
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