Quelques années plus tard?
E. Jardin
Pourquoi partir ? Que retirer de son séjour américain ? Revenir en France ou pas ? Pour quel emploi ? Huit docteurs en biologie, tous membres de Biodocs International, partis dans les années 2000 aux EU, ont témoigné.Quelles sont les motivations au départ ? Pour ceux qui veulent embrasser une carrière académique : publier en premier auteur dans Nature, Science ou Cell et donc « trouver un bon labo », se rappelle Corentin Cras-Méneur. Ou s’ouvrir à de nouveaux domaines : « je voulais travailler sur les bio-films du point de vue génétique et moléculaire parce qu’en France, il n’y avait pas beaucoup de labos spécialisés là-dessus », explique Christine Toutain. Frank Yates voulait « travailler sur les cellules souches embryonnaires alors que cela n’était pas encore possible en France ». Quant à Stéphanie Kervestin, son post-doc était l’occasion pour changer de sujet de recherche.
Pourquoi choisir les Etats-Unis ?
« Ca aurait pu être le Canada ou l’Ecosse » se rappelle Corentin mais nombre de labos côtés en sciences de la vie sont aux Etats-Unis, alors il n’est pas étonnant que sur les 307 MCF recrutés en 2006 en sciences et pharma qui étaient passés par la case « post-doc à l’étranger», 75 aient choisi les Etats-Unis (contre 44 l’Allemagne et 39 le Royaume-Uni). Et puis, il y ceux qui partent découvrir une culture, d’autres méthodes de travail… Rosalie Maurisse et Dominique Blanchard étaient dans ce cas. Pour tous, il y avait la maîtrise de la langue au bout du post-doc. Cyril Berthet :« Je partais pour l’anglais, les nouvelles méthodes de travail et pour tisser un réseau international ».
Quelles que soient les motivations, soyez exigeant sur le choix de son labo (voir les conseils). Latif Rachdi était dans un labo à New York. La ville était super mais il s’est mordu les doigts de « n’avoir pas fait la tournée des popottes » et d’avoir été obligé de changer de sujet et de ville, en cours de route parce qu’au bout d’un an et demi, il n’avait pas de publi. Si l’on peut se rattraper car « les post-docs français sont recherchés par les labos américains » rassure Corentin, « il faut savoir vite se retourner quand la mayonnaise ne prend pas» conseille Latif.
Sur place
L’ambiance diffère considérablement d’un labo à un autre. Latif est mal tombé. Stéphanie se souvient de la pression et du stress qui montait avant les « lab meetings » où tous les deux mois, les post-docs étaient sur la sellette. Cyril a appris « la compétition à un niveau international, l’efficacité qui va de pair et la qualité des publis qui suit ». Rosalie, pas motivée par la recherche académique dès le départ, s’est investie à fond dans des activités extra professionnelles et elles ne manquent pas à San Francisco. Quant à Dominique, qui se voyait dans une entreprise pharmaceutique, il est parti sur un post-doc privé. Christine prévient : « il ne faut pas partir en post-doc pour repousser les échéances d’orientation ». Si l’on veut aller dans l’académique, le prestige du labo et l’assurance de pouvoir faire de la « bonne science » et des publis dans des revues de rang A sont essentiels. Si l’on veut aller vers le privé, on peut soit « choisir des labos qui sont en contact avec des entreprises » conseille Christine, soit aller directement dans une entreprise comme l’a fait Dominique, mais le visa habituel (H1B) est extrêmement difficile à obtenir. La zone géographique importe : Boston est plus académique que San Francisco.
Le retour
Depuis qu’elle s’est mariée avec un Américain, Christine s’est définitivement installée dans le New Hampshire où elle est chercheur dans une école de médecine. Corentin, parti aux Etats-Unis en 2002 y est toujours avec son épouse française (chercheur, elle aussi) et leur petite fille. Comptent-ils y rester ? Non, « nous voulons rentrer en Europe ». Et la France ? « Nous sommes réalistes : il n’y a pas beaucoup d’opportunités même si nous sommes en contact avec les chefs de labos (publics et privés) de diabétologie que nous côtoyons dans les congrès scientifiques » poursuit Corentin.
Stéphanie, Frank, Latif, Rosalie, Dominique et Cyril ont pu poser leurs valises en France. Où ? Les trois premiers sont dans l’académique. Stéphanie, la seule statutaire, est CR2 dans un labo Cnrs qui n’est pas son labo de thèse. Frank et Latif sont à l’Inserm sur des contrats jeune chercheur. Rosalie travaille comme chef de projet au pôle de compétitivité Medicen (voir son témoignage). Dominique est chargé de mission au Cancéropôle (voir son témoignage). Cyril est responsable d’études pré-clinique et chef de projet chez Oncodesign (voir son témoignage). Dans le public ou dans le privé, ils sont tous restés dans le milieu de la recherche médicale. Etaient-ils meilleurs que les autres, avant leur post-doc ? Peut-être, mais leur réussite ne tient-elle pas au fait qu’ils ne sont pas restés le nez dans leurs manipes : ils étaient investis dans Biodocs international, ils s’informaient via « Le fil de Marianne », ils entretenaient leur réseau quand ils revenaient en France. Hasard heureux, Rosalie et Cyril se sont retrouvés autour du projet CReMEC (Centre de Ressources pour les Modèles Expérimentaux de Cancer), l’un des premiers projets labellisés par Medicen.
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