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Un post-doctorat au Brésil

Evelyne Jardin

Après un doctorat en science des matériaux obtenu en 2002, Maryll Giordana est partie quinze mois en post-doctorat à Rio de Janeiro, l’année suivante.

1/ Pourquoi partir au Brésil en post-doctorat ?
Il y avait des échanges entre le labo auquel j’étais rattachée en thèse à Paris VI et le labo de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro.

2/ Vous aviez déjà eu des contacts avec ce labo brésilien avant de partir ?
Le labo de Jussieu accueillait beaucoup de post-doctorants brésiliens, mais l’échange en sens inverse était plutôt rare. Il fallait rééquilibrer les choses et comme j’avais envie de partir à l’étranger, j’ai profité de l’occasion.
J’aurais pu partir en Allemagne, mais j’avais envie d’être totalement dépaysée. En Amérique du Sud, c’était un des seuls labos que je connaissais à disposer de moyens.

3/ Entre les deux options qui s’offraient à vous : le post-doc au Brésil ou le post-doc en Allemagne, vous étiez financée dans les deux cas ?
Non, dans aucun des deux. Je devais chercher un financement. Je suis partie au Brésil avec trois mois de financement de l’Ifremer. Je travaillais sur la corrosion sous-marine. Une fois sur place, je devais me débrouiller pour trouver d’autres financements. Je suis partie un peu à l’aventure avec seulement trois mois assurés. Ensuite, j’ai obtenu une autre bourse pour trois mois de l’équivalent du Cnrs brésilien (le CNPQ). J’ai terminé mon séjour avec un contrat de chercheur visitant (contrat UFRJ) pour un an.

4/ Comment avez-vous postulé pour le contrat de chercheur visitant ?
Il faut constituer un dossier avec la liste de ses publications… C’est un peu comme ici pour les postes de maîtres de conférences, mais en moins contraignant parce que c’est juste pour un an. Par contre, il faut avoir le visa de travail correspondant et pour l’obtenir, j’ai du rentrer en France.

5/ Vous n’aviez plus le même type de contrat qu’avant ?
En effet, entre les deux bourses (celle de l’Ifremer et celle du CNPQ) et le contrat de chercheur visitant, je suis passée d’un visa d’étudiant à un visa de travailleur temporaire.

6/ Les formalités administratives et diplomatiques ont été compliquées ?
Non, mais c’était assez long. Disons qu’au départ, je pensais que c’était possible de ne pas revenir en France en allant à l’ambassade de France au Paraguay. Finalement, j’ai du rentrer en France en octobre 2002 pour aller chercher le visa de travailleur temporaire. En fait, ce ne sont pas seulement les formalités administratives qui ont été longues, c’est l’ensemble de la chaîne : la constitution du dossier, sa soumission, sa validation…

7/ En tant que chercheur visitant, quelles étaient vos activités ?
Je devais mener des recherches à deux endroits : à la fac de Rio où j’encadrais un étudiant en Master et dans un centre de R&D à la Petrobras. Là, je menais mes propres recherches et j’encadrais un thésard.

8/ Vous travailliez sur quoi à la Petrobras ?
Sur la corrosion des aciers des pipelines sous-marins. Le labo est un des rares à être équipé pour reproduire les conditions de pression, température et teneur en H2S que l’on trouve au fond des océans. Ça a été pour moi l’occasion d’approfondir une technique, l’impédance électrochimique, que je n’avais fait qu’aborder en thèse.

9/ Qu’est-ce que cette expérience de post-doctorat au Brésil vous a apportée ?
Pas mal de choses. D'un point de vue général, la confrontation avec une culture différente permet de mieux cerner la sienne propre et d’identifier ce qui est de l’ordre de la culture, de ce qui n’en est pas. Plus particulièrement lié à mon expérience brésilienne, j'ai acquis une plus grande capacité à vivre dans l’instant. J’ai aussi trouvé que l’on ressentait très fortement le poids des inégalités sociales au Brésil avec la violence qui en découle. Ce qui permet par contraste de mieux apprécier la qualité de vie qu’on a ici.

10/ Et du point de vue professionnel ?
Le laboratoire de la Petrobras avait d’assez gros moyens, comme je vous l'ai dit. Moi qui était dans un labo public français pour ma thèse, j’ai été plutôt agréablement surprise. Ils avaient plus de moyens techniques et financiers que ce que j’avais eu auparavant !

11/ Quand vous êtes rentrée en France, vous avez passé les concours ?
Non, parce que j’avais peu d’articles et donc, je savais que j’avais peu de chances de décrocher un poste dans la recherche publique. J’ai cherché dans le privé en ciblant des postes d’expertise en corrosion. J’ai eu plusieurs entretiens dans le secteur du pétrole suite à cette expérience brésilienne à la Petrobras. Par exemple, j’ai eu aussi une proposition pour un poste en Thaïlande. Et puis un poste à Paris avec des missions régulières à Dubaï. 

Par ailleurs, comme je maîtrisais le portugais, j’ai eu un entretien au centre de recherche de l’Entente basé à Gardanne. C'est un centre de recherche spécialisé sur les feux de forêt qui regroupe les départements méditerranéens et qui est géré par les pompiers. Ils considéraient qu’il fallait former complètement quelqu’un sur les feux de forêt parce qu’il n’a pas beaucoup de personnes spécialistes du problème. A partir de là, la seule compétence qui les intéressaient (en plus de mon niveau de formation), c’était le portugais parce qu’ils ont beaucoup de relations avec le Portugal.

12/ Qu’est-ce qui a abouti, finalement ?
Finalement, je suis entrée chez Arcelor comme ingénieur de recherche pour travailler sur la corrosion des aciers pour emballages. Là, ils n’embauchent que des jeunes chercheurs (surtout des jeunes ingénieurs à vrai dire) qui ont une expérience à l’étranger. C’est un critère nécessaire et en plus, comme Arcelor a acquis des aciéries au Brésil l’année dernière, je pense que mon post-doctorat a compté. D’un point de vue technique également, ils étaient intéressés par la compétence sur l’impédance électrochimique que j’ai principalement acquise lors du post-doc.

Propos recueillis le 10 avril 2006, par Evelyne Jardin.