Au Karolinska Institutet
Evelyne Jardin
Marion Korach-André est docteur en biologie de l’université de Grenoble 1. Après deux post-doctorats et des candidatures malheureuses en France, elle a été recrutée au Karolinska Institutet en Suède.1/ Pouvez-vous retracer votre parcours entre votre soutenance en 2001 et l’entrée au Karolinska Institutet en 2005 ?
Après ma thèse, je suis partie en post-doctorat aux Etats-Unis. Ensuite, j’ai voyagé un peu, j’ai eu deux enfants et j’ai fait un 2e post-doc au Karolinska qui s’est transformé en poste de chercheur titulaire. C’est un raccourci car entre les Etats-Unis et la Suède, j’ai passé deux campagnes de recrutement en France. J’ai été retenue pour des auditions, mais je n’ai obtenu aucun poste. J’avoue avoir été déçue par la recherche en France. J’ai l’impression que mon expérience à l’étranger n’a pas été réellement reconnue et appréciée…
En tout cas, à la fin de ma grossesse, comme je ne trouvais pas de travail en France et que je commençais à désespérer, j’ai entré tous les mots clef de mon domaine de recherche dans un moteur de recherche sur Internet et j’ai listé tous les labos correspondants, essentiellement en Europe. Ensuite, j’ai envoyé des CV et des lettres de motivation aux directeurs des labos. J’ai reçu des réponses positives de Grande-Bretagne, d’Europe du Nord et du Canada et l’on me demandait des lettres de recommandation pour compléter ma candidature. J’ai contacté mes anciens directeurs français, canadiens et américains et je leur ai demandé d’envoyer ces lettres. Ils ont tous accepté. Après, je dois avouer qu’il a fallu que je sois persévérante...
2/ Pourquoi avoir opté pour la Suède ?
La Grande-Bretagne, je connaissais et je ne me voyais pas y vivre (mon conjoint non plus d’ailleurs). Nous n’avons pas hésité pour décliner l’offre. Pour le Canada, comme j’avais fait ma thèse entre Montréal et Grenoble, je connaissais aussi, mais il fallait attendre les décisions définitives et régler le problème des papiers. Pour la Suède, les éléments administratifs liés à l’immigration étaient plus simples et puis le Karolinska est un institut médical très réputé au niveau international.
3/ Qu’est-ce qui a compté lors de votre recrutement ? Vos compétences scientifiques ?
C’est difficile à dire. J’ai travaillé dans des labos français, canadiens et américains et je pense que les Suédois apprécient les chercheurs polyvalents qui ont des expériences à l’étranger. Alors, les lettres de recommandation ont sûrement compté. Cela a été bien perçu d’avoir dans mon dossier une lettre en provenance de France, une autre du Canada et encore une autre des Etats-Unis. Et puis, le directeur du laboratoire m’a dit : « J’ai été impressionné par votre persévérance et votre ténacité ». Il faut dire qu’ils reçoivent des dizaines de CV par jour !
4/ Quel est votre environnement de travail ?
La Karolinska est une très grosse université en médecine, fort bien dotée avec des financements mixtes (privés et publics). Elle compte deux tiers de chercheurs étrangers. Il y a beaucoup de doctorants et de post-doctorants européens et asiatiques.
Ici, les thésards ont une bonne qualité de vie, une sécurité de l’emploi jusqu’à la fin de la thèse qui dure au moins 5 ans. Après, ils passent souvent à un statut de post-doc avec des contrats d’un an, voire de 6 mois. Il y a énormément de post-docs et pas mal de chercheurs avec des CDD renouvelés en fonction des contrats qui tombent. Les postes de titulaires sont rares. J’ai eu une chance inouïe de me voir proposer un poste fixe. Personne n’y croyait !
5/ Quelles sont vos conditions de travail ?
Elles sont excellentes, surtout si on les compare aux Etats-Unis. En tant que chercheur avec des enfants, je pense que je n’aurais pas pu trouver mieux ailleurs. Ca se matérialise dans la flexibilité des horaires. A partir du moment où l’on obtient des résultats, on est assez libre dans la gestion de son temps et la part allouée à la famille est importante, ici. Un exemple, je peux aller chercher mes enfants à la sortie de l’école à 17h.
Du côté du salaire, ils ne sont pas au même niveau qu’aux Etats-Unis, loin s’en faut ! Je touche environ 2 000 € par mois et c’est énorme pour un poste de chercheur dans le public en Suède car l’échelle salariale y est très réduite.
6/ Quelles sont vos perspectives professionnelles ?
Au Karolinska, je pense qu’il y a des d’opportunités pour devenir « Associate Professor ». Pour cela, il faut suivre des sessions de formation, avoir fait ses preuves en recherche et surtout avoir enseigné pas mal d’heures à l’Université.
7/ Que pensez-vous de la recherche médicale en Suède ?
Elle est de haut niveau pour deux raisons, me semble-t-il. La collaboration entre le privé et les universités est en place depuis longtemps et les moyens, matériels et humains sont importants.
8/ Quels sont les organismes de recherche publique incontournables en Suède ?
Ce sont essentiellement des universités. L’université d’Uppsala est la plus vieille de Scandinavie. Elle est très cotée. Sinon, il y a deux autres grosses universités en Suède à Lund et à Göteborg. A Stockholm, il y a la “Stockholm Universitet” et la “Royal Swedish Academy of Sciences”.
Depuis le début des années 90, des fondations se sont créées avec des financements publics et privés, ce qui permet de former de très bons chercheurs dans des labos très équipés.
9/ Si un jeune docteur français désirant s’installer en Suède vous demandait des conseils, qu’est-ce que vous lui diriez ?
Pour les papiers, ce n’est pas si simple parce qu’il faut obtenir un numéro de sécurité sociale et sans ce numéro, on ne peut rien faire en Suède : on ne peut pas ouvrir de compte en banque ou inscrire ses enfants à l’école. En tant que membre de l’Union européenne et avec un contrat de travail, il est possible d’obtenir ce numéro, après demande préalable auprès du service d’immigration…tout ceci prend un certain délai.
En fait, la plus grosse difficulté vient de la langue. Quand nous sommes arrivés aux Etats-Unis, nous pouvions aisément lire un papier administratif en anglais. En Suède, ça n’a plus été possible et cela s’est avéré être un très gros handicap. Heureusement, j’ai été très aidée par mon labo.
Du point de vue de l’oral, les Suédois parlent tous anglais parce qu’ils sont obligés pour pouvoir communiquer avec le reste du monde. Ils sont dix millions de Suédois, et seulement dix millions à parler le suédois dans le monde. Mais le suédois n’est pas si difficile à apprendre, c’est un mélange d’allemand, de français et d’anglais.
Propos recueillis le 16 février 2007, par Evelyne Jardin.
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