Faire carrière dans un grand groupe international et vivre en Allemagne...
Clarisse Faria-Fortecoëf
C'est le choix qu'a fait Charles Lales, Ingénieur généraliste INSA de Lyon et Docteur en Informatique de l'Université de Bordeaux, après une expérience académique et dans le privé en France.Le début de carrière dans le secteur académique
Après une thèse à l'Université de Bordeaux et deux ans comme ATER (Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche) à l'IUT de Bordeaux dans une équipe dynamique ouverte au monde de l'entreprise et de l'industrie, c'est avec regrets que Charles Lales a dû se tourner vers le privé. En même temps, comme il le précise, en termes de perspectives de carrière et de salaire,
« rejoindre le secteur privé est plus intéressant, surtout si l'on change de boîte. En informatique, c'est la bonne démarche, spécialement dans une région comme Bordeaux. A partir du moment où l'on a une première expérience, c'est relativement facile. Dans le public, en dehors de la « Qualification » pour devenir Maître de conférences ou de quelques postes d’ingénieur de recherche, il n'y a pas ou peu de possibilités. Un des avantages à être Docteur, c'est que l'on peut cibler de grandes boîtes, surtout si l'on est mobile au niveau national. Mais là, Paris s'impose ».
Perspective que Charles va pouvoir par la suite, concrétiser en accord avec l’évolution de sa situation personnelle.
Les premières expériences professionnelles dans le privé et l'importance des réseaux sociaux et professionnels
Tout d'abord, il va cibler sa recherche d'emploi sur un CDD de trois mois en local et être recruté début 2010, par Sogeti High Tech comme prestataire pour Thales. « Un des avantages d'intégrer un grand groupe comme presta, c'est que cela permet ensuite de connaître et de se faire connaître. Si une occasion d’y être recruté se présente, alors on dispose de plus de visibilité pour négocier son contrat. En attendant cette opportunité, il est possible de jongler d’une boite de presta à une autre en justifiant une augmentation substantielle de son salaire par ses compétences renforcées, mais aussi par la connaissance du client. En début de carrière, il n’est pas rare de croiser des jeunes ayant appliqué cette stratégie à plusieurs reprises pendant les 5 premières années. Attention toutefois au contre coup qu’une telle volatilité peut générer sur son CV ».
Par ailleurs, Charles actualise régulièrement son profil sur les réseaux professionnels incontournables tels que Viadeo et Monster, voire LinkedIn pour l’international ou encore Worketer pour le secteur IT (informatique). En parallèle, certains grands groupes disposent de leur propre portail listant les offres et permettant aux candidats de créer leur profil avec CV. Grâce à cette présence numérique traduisant une certaine disponibilité et plus particulièrement, une motivation à relever de nouveaux défis, Charles est contacté par un cabinet de recrutement mandaté par Astrium Paris, une société du groupe EADS. Ce groupe regroupait en 2013, Airbus pour l’aéronautique, Astrium pour l’aérospatial, Eurocopter pour les hélicoptères et Cassidian pour la sécurité. Depuis janvier 2014, EADS est devenu Airbus Group, conservant Airbus pour l’aéronautique, renommant Eurocopter en Airbus Helicopters et fusionnant Astrium et Cassidian en Airbus Defence and Space. Intégrer cette société, représentait non seulement l'opportunité de rejoindre un grand groupe international implanté sur le territoire, mais aussi et surtout de s'expatrier à l'étranger et notamment, en Allemagne qui était un des objectifs à moyen terme de notre interlocuteur. Cette perspective, encouragée au moins en théorie par le groupe, il va l'exprimer très tôt lors des entretiens annuels avec son supérieur hiérarchique. Cependant, il faut se montrer proactif et multiplier les démarches allant dans ce sens. C'est sur sa propre initiative que Charles va ainsi, pouvoir par exemple passer des entretiens avec un responsable des ressources humaines d’Astrium GmbH de Friedrichshafen (Allemagne). « Même s’il n’y avait pas d’offre concrète, l’important était là aussi de se faire connaître et d’avoir son CV estampillé « motivé » sur les bureaux ».
Poursuivant son objectif, il va utiliser également XING, le Viadeo allemand, pour contacter des personnes travaillant dans le pays visé, à savoir, l'Allemagne.
A ce propos, il recommande la rencontre, l'échange par mail avec les acteurs de ces réseaux, « cela peut être très instructif de savoir comment ces plate-formes sont utilisées par les RH ».
Par exemple, lors du Forum Aquidoc en Aquitaine, une journée annuelle de rencontre jeunes chercheurs - entreprises, proposée par l’association AquiDoc, les doctorants ont à leur disposition un stand Viadeo dont l'objectif est de les aider à rédiger leur profil, exprimer leurs compétences en visant le monde de l'entreprise, établir des contacts et développer leur réseau pendant la thèse. Avant d'être membre d’AquiDoc, Charles faisait partie de BIOTechno, un réseau qui propose de mettre en contact les jeunes chercheurs avec les entreprises du secteur des biotechnologies et qui est à l'origine de la création d'AquiDoc. Par ailleurs, il conseille Entrezdok, le réseau des Docteurs et de l'entreprise, partageant la même préoccupation qu’AquiDoc, mais au niveau national. « Participer aux événements proposés par ces associations, c’est bien, mais prendre part à leur élaboration, c’est mieux, car cela peut être valorisée auprès d’une entreprise, comme une expérience pratique probante ».
Pour en revenir à son projet de travailler en Allemagne, Charles en tire la conclusion suivante : « Tout ce qui a été proactif, n'a finalement pas marché. C'est les petites opportunités ou ce qui a été mis de côté, qui a au bout du compte, fait mouche ».
Ainsi, de manière inattendue et grâce à l’ancienne plate-forme EADS « e-recruting », Charles va être contacté pour un besoin d’Airbus sur Toulouse. Prenant la peine d’échanger au téléphone, il décline l’offre, s’engage à la transmettre à ses collègues et en même temps, demande si son CV ne pourrait pas intéresser un autre DRH du groupe s’occupant lui, de l’Allemagne. Une semaine plus tard, durant l'été 2012, premier contact avec le service des Ressources humaines d’EADS Allemagne à la recherche d’un profil pour… Airbus Helicopters GmbH
L'expérience en Allemagne ou comment faire évoluer rapidement sa carrière
Après différents entretiens téléphoniques puis une journée sur place, à Munich, Charles part pour l'Allemagne en février 2013. Cela représentait une nouvelle et réelle opportunité car cela lui permettait non seulement, de rester au sein du même groupe et donc de conserver son ancienneté, mais aussi d'obtenir une promotion au niveau salaire, non négligeable. Défendant la transparence, Charles communique son revenu tout naturellement. Si en France, son net mensuel s'élevait à 2 150 euros (avant impôts), celui-ci est de 3 000 euros (impôts prélevés) en Allemagne et cela pour une même fonction à savoir, Ingénieur en R&D. « Rien ne justifie un tel écart de salaire. A ce niveau, côté allemand, il y a une plus grande transparence. Par exemple, le syndicat de la métallurgie allemand IG Metall (Industriegewerkschaft Metall) publie une grille de salaires librement consultable par tous. Ces tableaux mis à jour périodiquement, définissent le salaire de base pour toutes les entreprises membres dans ce secteur d’activité, comme Airbus Helicopters mais aussi, Audi, BMW ou Mercedes ».
Et qu'en est-il pour ce qui est de la Recherche ?
En tant qu'Ingénieur R&D dans le secteur privé, « cela ne se situe pas du tout au même niveau que dans le public. Il faut savoir ici, tenir compte des impératifs de survie pour l'entreprise ; respecter des lignes budgétaires, choisir les outils existants et les bonnes technologies pour répondre aux besoins de tel ou tel projet, proposer des solutions les plus flexibles et pérennes possibles, gérer la relation avec les sous-traitants, les clients internes ou externes etc. La part de recherche et développement est donc, minime ».
A Paris, Charles travaillait sur un ou deux produits, en Allemagne c'est d'un portefeuille d'une trentaine de logiciels (80 % sont développés en interne), dont il va devoir s'occuper avec les différentes dimensions et activités à gérer que cela implique.
Quels sont les avantages de travailler en Allemagne ?
Une des grandes différences avec la France et tout en restant dans le même groupe, c'est qu'il existe deux types de contrats : un contrat de 35 heures et un contrat de 40 heures. Cependant, c'est toujours dans le cadre du premier que les collaborateurs sont recrutés à leur entrée dans l'entreprise, le deuxième demandant une justification d'activité et une négociation avec le syndicat qui veille à ce que les contrats de 40 heures ne représentent pas plus de 15 % de la masse salariale.
En Allemagne, on pointe également matin et soir. C'est un système que Charles apprécie tout particulièrement, car cela permet à chacun d'aménager son temps de travail comme il l'entend en fonction par exemple de sa vie familiale. « Il est également possible de travailler chez soi, à partir du moment où l'on réalise son activité et où l'on participe aux réunions. Ce que j'adore en Allemagne - et ça serait pour moi une régression que de revenir en France -, c'est de pouvoir maîtriser mon temps sans qu'il y ait une quelconque pression de collègues ou au niveau hiérarchique. Cette année comme je travaille environ 45 heures hebdomadaires , j'arrive à épargner une journée par semaine alors que j'ai déjà 30 jours de congés. C'est un système qui limite les frustrations, avec une transparence au niveau des salaires, la responsabilité de la gestion du temps laissée aux salariés. C'est une forme de reconnaissance et de confiance ».
Par ailleurs, il conseille de bien préparer sa transition de la France vers l'Allemagne. Par exemple, bien se renseigner sur le système d'imposition (prélèvement à la source), l'assurance santé qui fait penser au modèle américain, etc.
Comment le doctorat a-t-il pesé ?
Lorsque Charles était prestataire à Bordeaux, beaucoup de personnes ne connaissait pas le Doctorat, ne savaient pas ce que cela signifiait. La caricature suivante n’est pas fausse et il l’a même vécu lors d’un entretien téléphonique : « Mais Monsieur, pourquoi candidatez-vous ? Vous imaginez bien que former un médecin au développement logiciel ne nous intéresse pas... En Allemagne, on vous appelle d'office « Docteur » et on ne comprend pas qu'on ne le mentionne pas sur sa carte de visite ». Sur la plate-forme EADS par exemple, cette catégorie est prévue, alors qu'en France, comme ce fût le cas pour Charles chez Astrium Paris, c'est l’item A Grandes Ecoles qui a été utilisé lors de son recrutement. « En Allemagne où le Doctorat est intégré comme expérience professionnelle à part entière et suivant la grille mise à disposition par le syndicat qui définit également, les fonctions et responsabilités de telle ou telle fonction, chacun peut suivre et agir sur son évolution de carrière, en toute transparence ».
Et à ce jour, quelles seraient vos perspectives ?
« Rester encore plusieurs années en Allemagne, voire m'établir définitivement dans ce pays si je demeure en Europe ». Cependant, Charles précise qu'il lui reste des progrès à faire en allemand, langue qu'il est loin de maîtriser. Au quotidien, il utilise 70 % l'anglais, 20 % le français et 10 % l'allemand. Attention toutefois comme le précise Charles : « un environnement professionnel anglophone est particulièrement vrai chez Airbus Helicopters GmbH où au plus, 40 % des salariés R&D sont allemands. La donne est bien différente en France où plus de 90 % des salariés R&D sont français… avec une maîtrise toute relative de la langue de Shakespeare. Concernant l’allemand comme point discriminant lors du recrutement, la société fait figure d’exception en Allemagne où la plupart des entreprises se révèlent pointilleuses à ce sujet ».
Par ailleurs, Charles œuvre pour obtenir un contrat de 40 heures. Pour cela, il lui faut épargner dans un « compte sécurité », 120 heures, pour ensuite être en mesure de négocier avec le syndicat. « Ce compte sécurité sert à l’entreprise lors des baisses d’activité. Pour éviter un chômage technique, les salariés sont invités à prendre des congés en utilisant ces heures. C’est donc une situation de donnant-donnant où l’implication pour la bonne marche de l’entreprise est récompensée par un salaire qui augmente directement d’un septième ».
Parmi les possibilités d'évolution de carrière ou fonctions, Charles vise l' « expertise », processus qui sera lancé cette année, mais qui va sans doute s'étaler sur une période assez longue, car d'autres experts devront valider son dossier. « Le problème c'est d'avoir des experts en informatique dans un groupe comme Airbus Helicopters dont le cœur de métier n’est pas forcément l’édition de logiciels ».
En guise de conclusion, notre interlocuteur encouragerait « tous les docteurs français à vivre une telle expérience. Une expatriation est possible dès les premières années d’activité, et au sein d’un grand groupe international, c’est même une condition sine qua non pour une carrière dans le management vertical. Il faut savoir se montrer patient et multiplier les petites opportunités même anodines. Les réseaux professionnels sont la base de ce type de démarche mais il est important de se faire connaître, par téléphone ou encore mieux, directement sur place si on en a la possibilité ». Enfin, si les activités associatives lors de sa thèse sont autant d’expériences valorisantes auprès des entreprises, ce sont aussi selon lui, de bonnes habitudes à adapter au milieu professionnel, offrant parfois un bon moyen d’intercepter des offres du marché caché.
Si vous souhaitez suivre ou prendre contact avec Charles Lales, rendez-vous sur son site internet regroupant notamment, tous ses profils professionnels.
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