Paroles de docteurs : trouver un emploi en SHS hors secteur académique
Études en sciences politiques entre la France et l'Allemagne, doctorat en Suède intégrant des séjours aux USA et en Pologne, puis retour au pays natal, l'Allemagne. Parcours et expérience de Barbara Kunz, politologue passée par la Fondation Geshagen (Berlin).
Née en Allemagne, Barbara Kunz est arrivée en France à l'âge de dix ans et a fait ses études en sciences politiques entre ces deux pays, d'abord à l'Université Ludwig-Maximilians de Munich, puis à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. Après des séjours Erasmus à Varsovie en Pologne et à Stockholm en Suède, c'est dans ce dernier pays qu'elle va réaliser une thèse sur la politique étrangère américaine envers les Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO) après 1989.
De la France à la Suède
Ayant découvert la Suède lors de son séjour Erasmus en 2001/2002 et appris cette nouvelle langue sur place, Barbara a choisi de faire son doctorat dans ce pays. C'était là l'occasion de changer de la France et de l'Allemagne, ainsi qu'un bon compromis sur le plan financier.
"Bien qu'il y ait une sélection importante (seulement 4 ou 5 personnes de sciences po. par an y ont accès), le système suédois est très favorable. "Ecrire sa thèse" est considéré comme un emploi à temps plein pour lequel le doctorant touche un salaire".
Au niveau académique, elle était rattachée à l'Université de Stockholm et au niveau administratif au Centre for Baltic and European Studies (CBEES).
"C'est génial de faire une thèse en Suède, il n'y a pas ça dans les autres pays, sauf peut-être dans d'autres pays nordiques comme la Norvège". Il est également possible de donner des cours, ce que fit Barbara et en suédois, s'il vous plaît !
Elle a pu bénéficier ainsi, dans le cadre d'un CDD d'un an renouvelable et couvrant la durée de sa thèse (2005/2008), d'un bureau à l'université et d'un salaire "correct" permettant de subvenir à ces besoins (logement, etc.). "Le rêve absolu par rapport à des collègues en France ou en Allemagne. J'ai beaucoup apprécié de travailler en Suède, c'est beaucoup plus simple par exemple, d'être prise au sérieux en tant que femme. La dimension humaine est très importante. En tant que doctorante, j'avais la possibilité de choisir le directeur de thèse que je voulais et je pouvais en changer en cours de route. J'avais des droits. En même temps, j'ai dû attendre plusieurs mois pour soutenir ma thèse car le président du comité de pré-soutenance dont dépendait l'autorisation de soutenance (caractéristique du système suédois), était en congé paternité".
Par ailleurs, cette expérience suédoise va conduire Barbara aux États-Unis en 2007 et en Pologne en 2008.
Les séjours aux USA et la Pologne
N'ayant pu obtenir une bourse – c'est d'ailleurs une des caractéristiques de son parcours - car ayant toujours été d'une nationalité n’allant pas avec son pays de résidence, Barbara va financer son voyage et séjour à Washington avec son salaire suédois durant l'automne 2007 et pendant 6 mois.
Rattachée au Center for Transatlantic Relations (un Centre de recherche dépendant de l'Université Johns Hopkins), Barbara va entre autres, réaliser un travail de suivi du circuit politique américain par rapport aux PECO et assister à des conférences dans ce domaine.
Après Washington, elle va ensuite partir en avril 2008 pendant un mois, au Centre de recherche de relations internationales (CSM) à Varsovie. Sa principale activité consistera dans la conduite d'entretiens – principal matériel de la thèse – auprès notamment, des ambassades et des ministères.
Entre la Suède et l'Allemagne
Réalisant qu'il n'était pas possible de terminer la thèse en 4 ans et face au problème de logement, Barbara va devoir trouver un emploi. "Le logement, c'est une catastrophe en Suède, car il faut acheter et ce n'était pas possible pour moi. J'avais un logement parce que j'étais salariée à l'université, mais ne l'étant plus, il fallait que je cherche un travail et un autre logement". Après avoir postulé à un poste à la Fondation Bertelsmann (Gütersloh) en Allemagne, elle va y être recrutée en 2008 comme Chef de projet dans le domaine de la "Good Governance". "C'est une grande Fondation. Je n'étais pas sûre de continuer dans la recherche et les "Fondations" me semblaient un bon compromis. C'était proche de la politique internationale. A ma grande surprise, on m'a offert l'opportunité d'un CDD de 3 ans. Si j'avais voulu, j'aurais pu renouveler mais j’avais l’impression qu’il était temps de bouger".
Après l'année 2010 consacrée à la préparation de sa soutenance en même temps qu’elle travaillait en plein temps à la fondation Bertelsmann – le système suédois exige que la thèse soit publiée avant la soutenance -, Barbara va faire un aller/retour en 2011 en Suède pour finaliser sa thèse qu'elle soutiendra en suédois.
A son retour en Allemagne et à la Fondation Bertelsmann, le doctorat en poche, son objectif était d'abord de participer à un projet, "une grosse conférence" qui devait se dérouler en Mars 2011, pour ensuite se consacrer à la recherche d'un nouvel emploi. "La Fondation se situait dans une petite ville, je ne connaissais personne à part mes collègues qui pensaient également, à bouger. C'était une ambiance "Erasmus". Et puis, c'était la logique de la Fondation, à savoir recruter des jeunes universitaires sur une durée de 3 ans et de renouveler éventuellement ensuite, les équipes pour une même période et ainsi de suite".
Retour et installation au pays natal
Après son expérience de la mobilité, c'est dans son pays natal, l'Allemagne, que Barbara va être recrutée en juin 2011, à la Fondation Genshagen à Berlin où elle travaille depuis, sur les thèmes suivants : politique étrangère et de sécurité européenne, relations transatlantiques, relations franco-allemandes. Pour Barbara, c'est une sorte de "miracle". Après la conférence de Mars 2011 évoquée précédemment et alors qu'elle se préparait à rentrer dans une logique de recherche d'emploi, elle reçoit contre toute attente, un appel à candidatures par e-mail pour un poste de Chef de projet "Dialogue européen" à la Fondation Geshagen. Au départ, cela consistait en un CDD à mi-temps jusqu'à la fin de l'année 2011. Malgré l'aspect a priori précaire du poste du fait de son statut et de sa durée, ainsi que l'avis de son entourage, Barbara va quand même l'accepter et la suite lui donnera raison. "J'avais l'impression que ce poste avait été conçu pour moi. Après, j'ai encore eu de la chance. Une personne travaillant à plein temps avec un CDI est partie et j'ai pu récupérer 50 % de ce poste. Ce qui fait qu’avec d’autres financements externes annuels, je travaille à 80 % depuis plus d’un an maintenant".
En même temps, et même s'il n'y avait pas vraiment une stratégie précise au départ, "c'est de la chance, oui et non. J'étais assez active dans l'association "Dialogue d'avenir franco-allemand". Chaque année, un programme réunissant 10 personnes allemandes et 10 françaises est organisé dans le cadre de ce réseau franco-allemand. J'y ai participé en 2005 et je fais partie des anciens". C'est par ce biais, que Barbara a reçu l’appel à candidatures pour le poste qu'elle occupe actuellement. Parallèlement à cette fonction, elle s'implique dans différents projets de recherche et est chargée d'enseignement à l'Université de Potsdam.
Quels conseils en termes de mobilité internationale, pourriez-vous donner à un doctorant, un jeune chercheur ?
"La thèse en Suède, je la conseille à tout le monde, tout au moins dans ma discipline. Les conditions sont tellement favorables pour ce concentrer sur sa thèse. C'est un petit pays dans lequel, il n'est pas évident de trouver un spécialiste dans tel ou tel champ, mais où on peut facilement, financer sa recherche". Pour Barbara qui n'a jamais pu bénéficié d'une bourse, être payée pour faire son doctorat, a représenté une réelle opportunité. Au niveau des avantages ou non des séjours à l'étranger, son conseil : "ne pas se laisser réduire à la compétence internationale. Importance d'apprendre l'anglais notamment, pour les étudiants franco-allemands. Essayer aussi de faire plus de deux pays. A titre personnel, cela m'a permis de sortir de la dichotomie "France/Allemagne"". Voir d'autres pays, c'est très enrichissant au niveau personnel, comme professionnel. Apprendre et pratiquer par exemple, une nouvelle langue, le suédois, a été pour Barbara, un "plaisir".
Ces propos ont été recueillis suite à la participation de Barbara Kunz au séminaire européen "Encourager la créativité et l'innovation par la mobilité des chercheurs : stratégies et bonnes pratiques" , qui s'est déroulé les 3 et 4 juin 2013 à Paris.
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