Où docteurs et entreprises se rencontrent
Menu
Connexion

Vous avez déjà un compte ?

Nouvel utilisateur ?

15ème édition des Apéro Doc: Comment gérer son postdoc à l'étranger ?

Bérénice Kimpe

Vous vous dites : « encore un n-ième article sur le postdoc à l’étranger ». Pas faux… Mais si vous commencez à le lire, c’est que cette question vous titille, comme ce fut le cas avant vous pour Marie Fustier-Boutignon, Barbara Janssens et Florence Keller, les trois intervenantes de la soirée. Profitez de leurs conseils pratiques pour mûrir votre réflexion !


Texte rédigé avec l’aide d’Amandine Henckel et Thao Lang


Les intervenantes en bref

Barbara Janssens : titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire de l’Université de Gand (2002). Postdoctorat à l’Institut Curie de Paris (2002-2005). Rédactrice en chef chez Wiley-Blackwell pour le journal des biotechnologies (2005-2010). En parallèle, conception et animation d’ateliers sur la communication scientifique (2008-aujourd’hui). Depuis 2011, Career Manager au Centre allemand de recherche sur le cancer (DKFZ).

Marie Fustier-Boutignon : titulaire d’un doctorat en chimie de l’Ecole Polytechnique (2012). Depuis 2013, contrat postdoctoral de 2 ans à l’Institut Technologique de Karslruhe (KIT).

Florence Keller : docteur en neurosciences de l’Université de Strasbourg (2003). 3 contrats postdoctoraux au Canada : Université de Laval Robert-Giffard (5 ans), CHUL (3 ans), Université de Sherbrooke (8 mois). Recrutée en 2009 par Rhenovia Pharma où elle continue d’évoluer : chargée de projet, chargée de programme, directrice adjointe (depuis 2012).




En regardant vos biographies respectives, on constate un point commun : votre expérience postdoctorale à l’étranger. Qu’est-ce qui a motivé votre décision ?

Barbara Janssens (BJ) -  « Pour moi, c’était clair : je voulais continuer à faire de la recherche. Le postdoc était donc une évidence. Choisir Paris a été très simple : mon homme y habitait ! »

Marie Fustier-Boutignon (MFB) – « Même raison que Barbara. Je souhaite rester dans la recherche publique, le postdoc était donc inévitable ! Je tenais à le faire à l’étranger mais comme Barbara, je voulais pouvoir rester proche de mon mari. Le choix géographique s’est limité à deux options : l’Angleterre et l’Allemagne. C’est finalement en Allemagne que j’ai atterri. »

Florence Keller (FK) – « Faire un postdoc à l’étranger répondait à mes deux principales envies du moment : continuer à faire de la recherche et découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture. J’avais pu découvrir partiellement le Canada lors d’un stage. Le postdoc était l’occasion rêvée d’en apprendre davantage. »

Décider de partir faire de la recherche à l’étranger est une chose. La mettre en pratique en est une autre. Comment vous y êtes-vous prises concrètement pour trouver votre laboratoire ?

FK – « Je me suis tout simplement appuyée sur mon directeur de thèse pour identifier des sujets de recherche complémentaires. »

MFB – « J’ai adopté une attitude très pragmatique : j’ai identifié par des recherches Google des équipes en Angleterre et en Allemagne travaillant sur des thématiques qui m’intéressaient. Je les ai contactées directement par mail et j’ai obtenu deux réponses, dont celle de mon chef actuel qui m’avait déjà entendue lors d’une conférence. Je n’étais pas une complète inconnue pour lui et c’est ce qui a joué en ma faveur. »

BJ -  « C’est après avoir visité plusieurs labos et discuté avec leurs équipes que j’ai choisi l’Institut Curie. J’avais en effet profité de ma participation à des séminaires organisés dans différents labos pour avoir une vision concrète de la vie au sein de ces labos et voir lesquels correspondaient aux critères que je m’étais fixés : faire de la recherche en biologie cellulaire, mieux publier, avoir plus de contacts avec les autres chercheurs, vérifier la disponibilité des financements. Avec le recul, je me dis que j’ai peut-être oublié des critères non scientifiques mais tout aussi importants tels que par exemple les signes relatifs à la vie du groupe. Un chef d’équipe ne mangeant pas avec son équipe peut être une indication sur la distance hiérarchique entre les membres.
Finalement, il est assez facile de trouver un postdoc car tous les labos fonctionnent avec ce type de contrat. Le plus dur est de trouver le labo qui nous conviendra professionnellement et personnellement : avec un soupçon de chance et beaucoup de recherche en amont et sur site, on y arrive ! »

FK – « Je voudrais rebondir et surtout insister sur ce que vient de dire Barbara. Ne négligez pas l’aspect ambiance du labo. Cela peut vous paraître secondaire mais quand on est loin de ses proches et qu’on ne peut pas revenir chez soi régulièrement parce qu’on a un océan entre eux et nous, il est impératif de se sentir bien dans son environnement professionnel. Au-delà des critères de sélection classiques (financement, publications), il faut bien regarder les thématiques du labo car pour certaines, la durée limitée du postdoc ne permettra pas d’obtenir de résultants concluants.
Si vous décidez de partir à l’étranger directement après votre doctorat, fixez-vous une limite de cinq ans et gardez le contact avec votre réseau en France, vous risquez sinon d’être oublié. Et gardez en tête que le postdoc se gère comme une étape de carrière ! »

MFB – « Je ne peux que confirmer tout ce qui a été dit. J’y ajouterai encore deux autres aspects. Premièrement, faire son postdoc à l’étranger demande de s’adapter. Tout le monde n’a pas les mêmes capacités d’adaptation : sachez quelles sont les vôtres et voyez si elles sont compatibles avec votre projet postdoctoral. Enfin, on peut repérer généralement les labos à éviter : une mauvaise réputation se sait très vite ! »

Le postdoc se gère comme une étape de carrière, dixit Florence. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes passées à l’étape suivante ?

BJ – « En deux mots : réseau et hasard. Mon mari a obtenu un poste à Heidelberg (D), nos enfants, qui étaient alors âgés de 2 ans et 4 mois, et moi l’avons suivi. Je voulais retrouver un poste en recherche mais en Allemagne, la garde des enfants est un réel problème, surtout quand on ne peut pas compter sur l’aide de sa famille parce qu’éloignée géographiquement, comme ce fut le cas pour nous. Je me suis donc retrouvée sur les bancs d’aires de jeux pour enfants : consciente que ce statut ne me conviendrait pas du tout, j’ai utilisé ce temps pour réfléchir à mes options et laissé traîner mes antennes à l’affût d’informations. Le hasard faisant souvent bien les choses, j’entends parler français sur cette aire de jeux et me rapproche d’un groupe de mamans francophones. C’est par l’une d’entre elles que j’apprends que la maison d’édition Wiley recrute des personnes avec un bagage scientifique. L’édition était une option que j’avais envisagée mais je n’avais aucune expérience en dehors de la recherche et des publications scientifiques. Suite à cette conversation, je me suis dit : « pourquoi pas ? ». Pari réussi : recrutée en tant que trainee, je découvre un environnement fascinant et qui me plaît ! Je découvre l’aspect business, qui m’était inconnu auparavant, je participe à des conférences ainsi qu’au lancement d’un nouveau journal. J’évolue ensuite sur un poste de rédactrice en chef, suite aux encouragements de ma chef qui me disait régulièrement que je faisais du bon travail. »

FK – « Quant à moi, j’ai tenté le concours du CNRS, sans succès. J’ai essayé d’intégrer le milieu académique canadien, plus ou moins similaire au système américain, mais là encore, cela n’a pas été une réussite. Je me retrouve sans bourse, je ne peux pas toucher les indemnités chômage : je rentre chez mes parents et à 35 ans, c’est douloureux à vivre ! Je me reprends cependant en main et commence à postuler dans les grandes entreprises pharmaceutiques. Je renoue le contact avec d’anciens collègues et professeurs dont un qui va appuyer ma candidature auprès de Rhenovia Pharma, petite entreprise de biosimulation. A ce moment, j’ai deux options : un poste chez Pfizer à Londres et un poste chez Rhenovia Pharma, tous deux en R&D. J’ai choisi la petite structure : c’était un vrai risque car je ne savais pas si elle allait continuer à exister mais le poste me paraissait plus stimulant car plus polyvalent.
Il ne faut pas voir le secteur privé comme « le côté obscur de la force » : ce sont au contraire des opportunités pour transposer les compétences qu’on a développées pendant le doctorat et le postdoctorat. Sans oublier un large éventail d’options de carrières selon ce qu’on choisit de valoriser : son domaine d’expertise ou ses compétences transversales. Les spin-offs peuvent être une excellente occasion d’approcher le privé sans quitter complètement le public. »

MFB – « Ma situation est différente dans la mesure où je suis actuellement en postdoc, je ne suis donc pas encore passée à l’étape suivante. Néanmoins, même si mon contrat s’achève en 2015, j’ai commencé à anticiper en maintenant le contact avec des chercheurs en France qui m’intéressent et qui me connaissent. Je veux passer le concours du CNRS mais je reste réaliste : je ne poursuivrais pas obstinément dans cette voie si je ne réussis pas le concours au plus tard après un second CDD en recherche publique.
J’ai une autre manière d’anticiper ma prochaine étape professionnelle : développer mes compétences managériales. J’ai envie d’encadrer des doctorants et je vais faire en sorte d’y arriver en prenant des initiatives en ce sens. »


On l’aura compris, le postdoc n’est pas un choix par défaut mais un projet construit : il faut anticiper son départ (lieu, sujet, financement) et la suite du postdoctorat (options professionnelles, développement de compétences).

A la question de savoir si le postdoc est un passage obligé, je laisse la parole aux trois intervenantes :

« Rien n’est obligatoire. Peu importe l’orientation professionnelle choisies, académique ou privé, le postdoc est une bonne occasion d’acquérir une nouvelle expérience et de nouvelles compétences. C’est aussi un bon moyen de développer son réseau en participant à divers congrès. »


Ne voyez pas votre postdoc à l’étranger comme une fin en soi mais plutôt comme un tremplin professionnel : votre capacité à rebondir dépendra de la bonne alliance entre plaisir (faites ce qui vous plaît !) et réalisme (ne vous coupez pas du reste du monde et réseautez !), sans oublier la bonne intégration de votre projet postdoctoral à un cadre beaucoup plus large, celui de votre carrière ! Tout est désormais entre vos mains…



A propos d'ABG :

ABG est une association française à but non lucratif créée en 1980 qui poursuit les objectifs suivants :
  • promouvoir la mobilité professionnelle des docteurs ;
  • aider les entreprises à les recruter.

Retrouvez toute l'actualité d'ABG sur les réseaux sociaux :