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Un post-doctorat à Cracovie

Evelyne Jardin

Après un doctorat en écotoxicologie obtenu en 2003 à l’université d’Aix-Marseille 3, Céline Pernin est partie en post-doctorat pendant un an et demi en Pologne. Impressions.


Pourquoi avoir choisi la Pologne pour faire un post-doc ?
Mon co-directeur de thèse entretenait des relations avec un laboratoire de Besançon et dans ce labo, il y avait une chercheuse polonaise dont l’ami était le directeur d’un labo d’écotoxicologie à l’université de Cracovie. Lors d’un congrès informel, ils se sont parlés et mon futur responsable polonais a fait savoir qu’il avait un sujet de post-doc et un financement européen avec. J’ai envoyé mon CV. Au terme des sélections, j’ai été retenue en concurrence avec une autre personne. Pour qu’ils puissent faire leur choix, j’ai été invitée cinq jours en Pologne : j’y ai présenté mes travaux de thèse. De mon côté, je voulais me faire une idée de la vie polonaise parce que je n’étais vraiment pas chaude pour partir, au départ. Arrivée à Cracovie, j’ai été ravie. Et puis, finalement, le directeur du labo polonais avait deux bourses, la décision dépendait donc de moi. J’ai accepté parce que la problématique de la recherche me plaisait et que Cracovie est une ville assez tentante.

Comment vous êtes-vous installée à Cracovie ?
En arrivant, j’avais une chambre dans une cité U. Ensuite, un collègue m’a aidée à trouver un appartement. Ca a pris dix jours au total. Heureusement que j’ai eu un coup de main de mes collègues parce que tous les Polonais ne parlent pas l’anglais, alors ce n’est pas facile pour gérer les choses de la vie courante. Même problème avec les papiers. Il me fallait un permis de travail et les collègues polonais s’en sont occupés.

Vous aviez des démarches à faire auprès de l’ambassade ?
Je me suis occupée des démarches auprès du consulat pour obtenir un permis de résident. C’était assez compliqué parce qu’il faut un justificatif de domicile, des lettres… et puis, l’administration polonaise, c’est l’enfer. Ils aiment la paperasse, les tampons et ne parlent que très rarement anglais Là, ce sont les gérants de mon immeuble qui m’ont aidée.

Vous avez du faire traduire tous vos papiers ?
Non, le problème ne vient pas de là. Il faut aller dans une administration avec des tas de lettres pour déclarer sur l’honneur que l’on habite à tel endroit. Ils vous font passer dans plusieurs administrations avant d’arriver dans un bureau central. Là, ils délivrent la carte (le permis de résident) qui permet de rester un an sur le territoire.

Cette procédure vous a pris combien de temps ?
Je suis arrivée en mai 2004 et j’ai obtenu mon permis de résident en septembre. C’était long mais j’ai aussi joué de malchance parce qu’entre temps, le propriétaire de mon immeuble est décédé et, du coup, c’était impossible d’obtenir un justificatif de domicile. Heureusement, mes collègues m’ont bien épaulée.

Vous avez eu affaire à l’administration polonaise à d’autres reprises ?
Oui, à la fin de mon post-doctorat, pour obtenir les papiers de chômage. Je devais récupérer le fameux formulaire E301 et là, rebelote, je suis allée dans plusieurs bureaux avant de le décrocher. Je suis allée au bureau du chômage de la ville de Cracovie pour retirer un papier qui attestait que je n’étais pas inscrite au chômage en Pologne. Ca, c’est vite fait pour peu qu’ils comprennent ce que vous demandez. Ensuite, je suis allée dans le bureau d’une autre administration pour qu’ils délivrent le formulaire et ça prend 2-3 jours. Finalement, c’était assez rapide par rapport aux démarches pour le permis de résident.

Vous aviez une couverture sociale en Pologne ?
Oui, j’étais rémunérée par l’université de Jagiellon, j’avais le statut de salariée polonaise et je bénéficiais du système de protection sociale spécifique à l’université.

C’est un système particulier ?
Oui. Je pouvais me faire soigner gratuitement dans certains endroits.

Au niveau scientifique, comment cela s’est-il passé ?
Très bien. En fait, les Polonais avaient obtenu beaucoup d’argent pour ce programme de recherche. Ils m’ont demandé ce dont j’avais besoin et ils me l’ont fourni. J’ai travaillé relativement seule parce que j’étais l’unique spécialiste dans ce domaine dans le labo. Ils m’ont laissé mener mes expérimentations, mais ils étaient toujours très disponibles.

Vous aviez assez de matériel pour réaliser vos expériences ?
Oui, oui, c’était parfait. Je n’ai manqué de rien, hormis de temps. C’est assez facile de travailler en Pologne. Je ne m’occupais que de mon travail de recherche, je n’étais pas dérangée par le traitement et le suivi des commandes, les devis, les ordres de mission… toutes les choses annexes à la recherche que je gérais à l’Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie de Marseille.

A l’issue de ce post-doc, avez-vous publié ?
Je n’ai pas encore eu le temps parce que j’ai enchaîné aussitôt sur un autre post-doc en France. Les résultats sont en suspends. J’ai deux publications en vue. J’ai mené trois expérimentations en Pologne. Une n’a pas fonctionné parce qu’elle était sur le terrain et faire du terrain en Pologne, ça peut être risqué.

Comment ça ?
J’avais des mésocosmes à mettre en place in situ et à récupérer à la fin de l’expérience mais 50% de mes mésocosmes ont été soit détruits, soit ouverts.

Les autres chercheurs étaient confrontés à ces problèmes ?
Oui, mais ils avaient pris leurs précautions : leurs installations étaient beaucoup moins visibles que les miennes. Heureusement, les expérimentations suivantes étaient prévues en laboratoire.

Avez-vous donné des cours ?
Non. Ce n’est ni prévu, ni possible car tous les cours sont en polonais. Je me suis contentée de suivre des cours d’anglais. Là-bas, il y a beaucoup de possibilités pour prendre des cours de langues. Au labo, je parlais français avec une collègue qui avait fait ses études en France.

C’est surprenant, vous étiez dans un milieu francophone en Pologne ?
A mon arrivée, je me suis inscrite dans une association de Français. A Cracovie, il y a beaucoup d’expatriés, notamment de chez Valéo avec leurs familles. Mais quand on est célibataire et que l’on a 30 ans, c’est assez moyen comme ambiance. Alors, j’ai pris des cours de langue, j’ai fait du sport pour rencontrer des gens plus jeunes.

Vous étiez sur un campus ?
Non, les universités sont réparties sur toute la ville. Cracovie est un campus.

Vous avez l’air plutôt contente de ce séjour en Pologne.
J’étais ravie et du coup, le retour en France n’a pas été facile. Autant les six mois passés au Danemark en 2003 m’ont parus très longs (il faut dire que je travaillais dans l’Institut de recherche environnemental à Silkeborg, une ville perdue au milieu de rien). Autant à Cracovie, qu’il y ait tempête de neige ou canicule, il y a un monde fou en ville et çà, c’est très agréable.

Propos recueillis le 6 juin 2006 par Evelyne Jardin.