Un thésard aux Pays-Bas
Propos recueillis par Evelyne Jardin, le 7 décembre 2005.
Comment se passe une thèse au pays des polders ? Durée, financement, encadrement… Thierry Marcel, ingénieur en agronomie et doctorant au laboratoire de Plant Breeding de l’université de Wageningen a répondu à nos questions.Association Bernard Gregory : Pourquoi un doctorat aux Pays-Bas ?
Thierry Marcel : J’ai commencé mes études universitaires en France à l’ISTOM, une école d’ingénieur en agro-développement. A la fin de la 4e et dernière année, j’ai eu l’occasion de partir aux Pays-Bas pour me spécialiser. J’ai découvert l’université de Wageningen. Elle proposait une 5e année en amélioration des plantes et en génétique. Ce n’était pas évident à trouver en France, il y avait peu d’équivalent ; alors, je suis resté un an et demi aux Pays-Bas pour suivre un Master. J’ai travaillé sur la résistance des plantes à leurs maladies. A la fin de mon Master, on m’a proposé de poursuivre en thèse et j’ai accepté.
Vous avez poursuivi les recherches débutées en Master ?
Plus ou moins. Je suis resté au sein du même laboratoire et du même groupe de recherche. Je menais des recherches sur la tomate pendant mon Master et, pour mon doctorat, on m’a proposé un sujet qui ressemblait beaucoup à ce que j’avais fait sur la tomate, mais c’était sur l’orge.
Comment êtes-vous financé ?
C’est aussi un des gros avantages ici : je suis salarié de l’université. Je suis assistant chercheur pendant quatre ans, et en même temps, je peux faire une thèse.
Quelles sont les spécificités de la thèse aux Pays-Bas ?
La thèse se fait en quatre ans. Actuellement, je suis dans les quatre derniers mois, en phase de rédaction. Les trois ans et demi auparavant, j’étais sur le terrain. Cela a inclus trois aspects. Premièrement, j’ai fait beaucoup d’essais en serre pour étudier la réaction des plantes aux maladies. J’ai aussi travaillé en champs au cours des trois derniers étés. J’ai mené des expériences. Le deuxième tiers du travail, c’est le labo. Je fais de la génétique moléculaire pour étudier le génome des plantes. Le dernier tiers, c’est la bio-informatique. J’utilise toutes les bases de données disponibles sur Internet afin d’en retirer des informations utiles sur le séquençage, les gènes, les marqueurs moléculaires.
Avez-vous fait des communications ? Avez-vous publié des articles ?
La plupart des doctorants, ici, essaient de publier les différents chapitres de leur thèse. Moi, pas encore. J’attendais que tout soit terminé. Je vais bientôt soumettre des articles à des journaux scientifiques.
Sinon, j’ai assisté à plusieurs conférences. Je suis allé à Paris, en République tchèque et aux Etats-Unis où j’ai communiqué mes travaux sous forme de posters. Je suis aussi allé en Grande-Bretagne où j’ai présenté, à l’oral, mes recherches.
Vous avez reçu des aides à la mobilité ?
Dans mon contrat, j’ai une bourse de 3 500 euros pour voyager pendant les quatre années de thèse.
A combien s’élève votre bourse ?
C’est progressif. On n’a pas le même salaire au début et à la fin du doctorat. J’ai commencé avec 1 800 euros brut mensuel. En dernière année, je gagne 2 300 euros bruts, ce qui fait 1 650 euros net.
Maintenant, je regarde les post-docs en France et j’ai constaté que les salaires sont égaux, voire inférieurs à ce que je gagne ici.
Les conditions matérielles donnent l’impression d’être bonnes. Comment êtes-vous encadré ?
J’ai un promoteur, c’est le directeur de recherche. J’ai un co-promoteur, c’est le superviseur journalier. Mon promoteur, je le vois tous les trois-quatre mois pour faire le point. Il vérifie que tout se passe bien. Mon co-promoteur, je le vois tous les jours. En sus, on a un directeur de recherche externe. Il ne fait pas partie du laboratoire. Si j’avais des problèmes relationnels avec mon promoteur ou mon co-promoteur, je pourrais me tourner vers lui et puis, il me donne un regard extérieur sur ce que je fais.
Ce directeur extérieur a été nommé au départ ?
Oui. Au départ du PhD on remplit un dossier dans lequel on indique les cours que l’on veut suivre et les conférences auxquelles on veut assister. On désigne aussi les différents superviseurs.
Ils vous sont imposés ?
On en discute. J’ai choisi mon superviseur journalier en même temps que mon sujet de thèse. Le promoteur, c’est le professeur qui colle le plus au sujet, du point de vue scientifique.
Ici, c’est très facile de voir les chercheurs, de communiquer avec eux. Il n’y a pas besoin de prendre rendez-vous. Il suffit de frapper à la porte et de poser les questions que l’on a à poser.
Qu’allez-vous faire après la thèse ?
J’ai passé cinq ans aux Pays-Bas mais, maintenant, je veux rentrer en France. Je cherche un post-doctorat.
Vous voulez faire un post-doc dans le public ou privé ?
Je préfèrerais aller dans le public. Je suis très content de cette expérience à l’étranger, mais je sens qu’il est temps de revenir si je ne veux pas avoir trop de difficultés à reprendre contact avec mon pays.
Mais un post-doc, cela ne dure qu’un temps. C’est une insertion à court terme. Qu’est-ce que vous envisagez après ?
A terme, j’aimerais bien sûr trouver un emploi plus stable, plus permanent, soit dans un organisme scientifique français, comme l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) ou le CIRAD (Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement), soit dans une entreprise. Je suis marié et j’ai un enfant en bas âge, donc je ne pourrai pas enchaîner des post-docs éternellement.
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