De la thèse en Hollande, au post-doc au Portugal
Evelyne Jardin
En juillet 2005, Boris Bret a soutenu sa thèse en physique à l’université de Twente à Enschede aux Pays-Bas. Depuis octobre 2005, il est en post-doc à l’université du Minho à Braga au Portugal.1/ Pourquoi aller préparer une thèse aux Pays-Bas ?
J’ai un parcours particulier. Après les classes prépa, j’ai fait un magistère de physique à l’Ecole Normale Supérieure, à Paris. Là, on nous conseillait de faire un stage à l’étranger, alors je suis parti aux Pays-Bas chez Philips. Lors d’une conférence, j’ai rencontré mes futurs patrons de thèse. De retour en France, j’ai commencé un DEA, mais j’en ai eu vite marre. Mes boss hollandais m’ont dit de revenir sans attendre la fin du DEA, j’ai sauté sur l’occasion.
2/ Ils vous ont proposé un financement ?
Oui. Je n’étais pas payé par l’université mais par la fondation nationale pour la recherche en physique. La thèse aux Pays-Bas, c’est quatre ans par défaut et ça peut être un peu allongé. Le financement pour quatre ans est assuré.
3/ Vous avez signé un contrat de travail ?
J’étais salarié avec tous les avantages que cela comporte en terme de protection sociale, treizième mois, vacances, conventions collectives... J’ai bénéficié, pendant ma thèse, d’un meilleur statut que celui que j’ai en post-doc, actuellement.
4/ Du point de vue de la forme et du fond, comment se présente la thèse ?
Sur le fond, on entend souvent dire que pour faire une thèse aux Pays-Bas, il suffit d’une d’introduction et d’une compilation d’articles. Ce n’est pas tout à fait cela, quand même. Il y a un gros travail de synthèse de la recherche menée pendant quatre ans.
Quant à la forme, elle est très compacte. J’ai rédigé 150 pages dans un format A5. L’objectif, c’est d’avoir un petit bouquin lisible par le plus grand nombre de scientifiques. Bien sûr, la thèse est rédigée en anglais pour qu’elle puisse être largement diffusée. Parenthèse : la couverture est laissée à la libre appréciation du candidat qui peut s’essayer à des choses originales et amusantes.
5/ Qui choisit les membres du jury pour la soutenance ?
Quand j’ai discuté avec mon superviseur, la première fois, il m’a dit : « Qui aimerais-tu avoir dans ton jury ? ». Je lui ai indiqué les noms de ma « dream team » et il a complété, après concertation.
6/ Combien y a-t-il de membres extérieurs à l’université dans le jury ?
Cela dépend des universités, mais il en faut au moins un. J’ai eu trois membres extérieurs à l’université (et deux non Néerlandais), plus mon superviseur, deux autres professeurs de l’université et le président du jury, à savoir le directeur du département de physique.
7/ La thèse est rédigée en anglais et la soutenance, a-t-elle lieu en anglais aussi ?
J’avais demandé à soutenir en anglais ainsi qu’en néerlandais, parce que j’avais envie de prouver que j’en étais capable. J’aurais pu, bien entendu, soutenir intégralement en anglais. J’ai vu la thèse d’un Néerlandais défendue totalement en anglais. Les possibilités sont diverses, mais je n’aurais pas pu soutenir en français. Là encore, je suis allé voir mon superviseur et il m’a conseillé de défendre dans les deux langues : l’anglais et le néerlandais.
Avant la défense officielle, le candidat peut présenter son travail au public venu assister à la soutenance (le jury n’est pas encore là). C’est conseillé, mais pas obligatoire. Je n’ai pas opté pour cette solution car j’aurais dû faire mon speech en français, en anglais et en néerlandais pour les personnes présentes. J’ai jugé que c’était trop de complications.
8/ Depuis quelques mois, vous êtes en post-doc au Portugal, pourquoi ce pays ?
Quand je suis allé à l’Université d’été de Cargèse en Corse, il y a trois ans, j’ai rencontré une Portugaise, ma future femme. Pour que l’on puisse se rapprocher géographiquement, j’ai cherché un post-doc soit au Portugal, soit en France. C’est elle qui m’a indiqué le contact à l’université de Minho à Braga, une ville au nord de Porto.
9/ Vous avez obtenu une bourse ?
Aux Pays-Bas, c’est un groupe de chercheurs qui soumet les projets de recherche. Quand un projet est remporté, des jeunes chercheurs sont embauchés. Du coup, en tant que thésard ou post-doc, on peut obtenir un salaire et des aides pour acheter de l’équipement.
Au Portugal, les choses se passent différemment. J’ai soumis mon projet de recherche à un concours. J’ai été bien classé et j’ai obtenu une bourse post-doctorale locale. Cette bourse n’est pas très avantageuse du point de vue financier. Je gagne la même chose qu’un thésard hollandais, mais le coût de la vie est moins élevé au Portugal. Autre inconvénient, je ne suis plus salarié, mais je m’en accommode.
10/ Vous êtes financé pendant combien de temps ?
J’ai une bourse d’un an reconductible jusqu’à trois ans. Mes superviseurs portugais m’ont dit qu’il était possible de rester trois ans de plus en déposant un nouveau projet de recherche.
11/ Vous êtes combien dans le labo ?
Aux Pays-Bas, on était une petite vingtaine, plus les techniciens. Il y avait une vraie dynamique autour d’un prof, de quelques membres permanents et de thésards. Ici, nous sommes une dizaine et l’esprit de groupe est moins présent. Par exemple, ça a pris un peu de temps pour que se mette en place une réunion de groupe hebdomadaire, comme aux Pays-Bas. Il faut savoir réutiliser les méthodes qui ont fait leurs preuves.
L’équipement est moins fourni que dans mon ancien groupe de recherche hollandais qui était assez gâté, il est vrai. Néanmoins, le labo va acquérir un nouveau laser de pointe et je vais être le principal utilisateur de ce matériel. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai choisi ce labo. Les perspectives de recherche vont évoluer en qualité.
Propos recueillis par Evelyne Jardin, le 9 décembre 2005.
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