Une expérience de la recherche à l'international au sein d'un réseau européen
Clarisse Faria-Fortecoëf
Après une thèse en cotutelle entre la France et l'Italie, un détour par la Grèce et un séjour aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, Eric Buchlin est actuellement chercheur à l'Institut d'astrophysique spatiale, un laboratoire du CNRS et de l'Université Paris-Sud, Orsay.
Eric Buchlin s'intéresse aux processus physiques dans l'atmosphère du Soleil et dans l'héliosphère. A l'occasion du séminaire européen "Encourager la créativité et l'innovation par la mobilité des chercheurs : stratégies et bonnes pratiques", organisé par l'ABG, le British Council et l'UFA (Université Franco-Allemande) au Medef (Mouvement des entreprises de France) et à l'IHA (Institut Historique Allemand), à Paris, les 3 et 4 juin 2013, Eric a été invité à témoigner sur son expérience de la mobilité et de la recherche à l'international.
Cet article s'appuie à la fois sur sa présentation lors de cet événement et à la fois, sur un échange que nous avons eu ensemble le 28/06/2013.
Pourquoi le choix de l'Italie ou comment cette opportunité s'est-elle présentée ?
La thèse (2001-2004) réalisée en cotutelle entre la France (Université de Paris-Sud) et l'Italie (Université de Florence) a été pour Eric l'occasion de développer une collaboration entre les deux équipes de recherche des deux pays, ainsi que de participer à un même réseau européen sur la turbulence dans les plasmas spatiaux. Les séjours en Italie étaient d'une durée allant de trois semaines à un mois et se sont étalés tout le long du doctorat. Grâce aux liens existant entre l'Ecole Normale Supérieure de Paris et la Scuola Normale Superiore de Pise - ville dans laquelle son Directeur de thèse italien, professeur à Florence, habitait - Eric a pu obtenir facilement un logement. En plus de l’allocation de recherche du Ministère de l’enseignement supérieur français, les frais de séjour ont été couverts par une bourse de la part de l'Université Franco-Italienne (environ 5000 €).
L'après thèse
Après la soutenance, l'expérience s'est poursuivie par un post-doc en 2005-2006 dans le même laboratoire en Italie, avec le directeur de thèse italien, dans le cadre d'un financement Marie Curie provenant du même réseau européen.
Le détour par la Grèce
Ce post-doc a commencé par un séjour de trois semaines à l'Université de Thessalonique (Grèce), dans un autre laboratoire, mais participant au même réseau européen. "Même si ce n'était pas un séjour très long, cela a été très intéressant scientifiquement. J'en ai profité pour essayer de replacer ma recherche de thèse dans un contexte plus large, et découvrir de nouvelles méthodes".
L'expérience aux Etats-Unis
Le contrat en Italie s'est poursuivi par un séjour de trois mois (mars-juin 2005) à l'Institut de Mathématiques Pures et Appliquées (Institute for Pure and Applied Mathematics – IPAM) à l'Université de Californie, Los Angeles (University of California – UCLA). Cela a représenté une nouvelle expérience d'équipe et de travail en réseau, car Eric n'est pas parti seul, mais avec son groupe italien : "on s'est tous retrouvés à Los Angeles. J'y ai travaillé à un programme de recherche et d'ateliers sur les simulations numériques en astrophysique. C’était très intéressant et ça m'a permis de beaucoup améliorer mon code de simulations numériques".
En termes de financement, le voyage et le séjour ont été pris en charge par le laboratoire américain et le salaire a été assuré dans le cadre de la bourse Marie Curie. Au niveau du logement, "j'ai trouvé une colocation avant de partir, dans un cadre très agréable, juste entre l'université et la mer, j'y allais en vélo".
Le retour en Italie
Après les quatre mois passés aux Etats-Unis, "je suis retourné en juillet 2005 à Florence, j'ai cherché un appartement et avec le salaire de la bourse Marie Curie, je n'ai pas eu de problèmes. Au niveau du réseau, les contrats étaient gérés par les équipes, ce qui représentait une durée de 3 ou 4 ans de post-doc par groupe". A Florence, "mon jardin était presque celui du Palazzo Pitti. Là aussi, je me déplaçais à vélo, je montais à l'Observatoire situé sur la colline où Galilée faisait ses observations, sa maison était juste derrière. Derrière l'Observatoire, il y avait les collines de Toscane. Un environnement très agréable". Un petit problème néanmoins à signaler au moment du départ : "le préavis en Italie est de 6 mois et je n'ai su que 3 mois avant la fin de mon contrat que je devais partir, le propriétaire du logement n'était pas très content, mais il a été finalement compréhensif. Quelques problèmes aussi au niveau de la résiliation du contrat téléphone et internet...".
Le réseau européen ayant commencé au cours de la thèse et durant 4 ans, le contrat à Florence n'a pu se renouveler après février 2006, mais l'expérience va se poursuivre en Angleterre.
L'expérience en Grande-Bretagne
Malgré la fin du réseau européen, Eric va être recruté par le Directeur de ce même réseau à l'Imperial College, à Londres, dans le groupe de physique spatiale et atmosphérique (Space and Atmospheric physics group - SPAT). Il y travaillera de mars 2006 à novembre 2007, dans le cadre d'un CDD "Postdoctoral Research Assistant".
Ce contrat était financé par le PPARC (Particle Physics and Astronomy Research Council). "Il y a plusieurs Research Councils, ce n'est pas comme le CNRS où les instituts ne sont pas indépendants. Arriver dans ce groupe de recherche était l'idéal pour moi, cela m'a permis d'ajouter à mon code de simulations numériques des effets physiques qui permettent en particulier d'en faire une comparaison directe des résultats avec les observations". Au niveau de l'hébergement, "j'avais une semaine payée à l’hôtel pour chercher un logement. Pas facile, car du coup mon salaire avait baissé par rapport à Marie Curie, alors que les loyers étaient très élevés (1000 € par mois pour une chambre). J’ai trouvé une colocation à 6, avec différentes nationalités. C'était très animé dans la cuisine. C'était un genre d'HLM, mais très bien situé, entre la gare Victoria et le labo.". Là encore, Eric fait le trajet de son domicile à son lieu de travail, en vélo, soit 10 minutes. "Ce que je faisais en arrivant dans un nouveau lieu, c'était d'acheter un vélo avant toute chose". L'expérience s'est très bien passée malgré des conditions matérielles moins bonnes.
Parallèlement, Eric a continué à se présenter à différents concours en France : CNRS, CNAP (Conseil National des Astronomes et Physiciens, des postes du Ministère de l'enseignement supérieur en astrophysique et géophysique, avec un service d'observation), Université (Maître de conférence)...
Le retour en France
Eric est rentré en France à l'automne 2007 dans le cadre d'un post-doc au CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), avec une bourse de recherche à Orsay, rejoignant ainsi, son ancien groupe.
Au niveau du logement, tout comme à Londres, cela n'a pas été facile, "sans historique récent d'emploi en France, sans contrat à durée indéterminée, avec un salaire ne dépassant pas 3 ou 4 fois le loyer... j'ai donc finalement trouvé un logement grâce aux services de l’Association Science Accueil destinée à faciliter l'accueil des chercheurs étrangers.
Au bout d'un an, en 2008, Eric va rejoindre le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) à l’Institut d’astrophysique spatiale, suite à un concours et dans le cadre d'un poste de chercheur permanent. "C'est une meilleure solution pour faire de la recherche".
Et si c'était à refaire ?
"Oui. C'était vraiment bien. Mais j'ai eu beaucoup de chance, les contrats précaires auraient pu s’accumuler pendant une durée trop longue si je n’avais pas eu le concours du CNRS. Une durée trop longue à l’étranger peut aussi rendre le retour plus difficile, par perte des contacts dans le pays d’origine. Il y a le pour et le contre. Continuer ce type d'expérience aurait été compliqué car j'ai aussi rencontré ma femme en Grèce au début de mon premier post-doc, mais 4 ans est la durée typique de post-doc jusqu’à un recrutement sur poste permanent dans mon domaine de recherche".
Mais si on vous avait proposé un poste de chercheur permanent par exemple, aux USA ou en Italie ? "Oui, pourquoi pas. Je n'étais pas vraiment résolu à revenir en France, mais c'est là que j'avais le plus de chances".
Quels conseils en termes de mobilité internationale pourriez-vous donner à un doctorant, un jeune chercheur ?
"Si les post-docs de durée courte se prolongent trop longtemps, il ne faut pas hésiter à faire autre chose que de la recherche, en utilisant les autres compétences qu’on a acquises. Il faut être prêt à s'adapter".
Quelques mots sur l'Association des boursiers Marie Curie ?
Eric a rejoint cette Association, créée en 1996 sous l'impulsion de la Commission Européenne, alors qu'il était boursier Marie Curie à Florence. C'est tout d'abord un réseau de chercheurs et d'anciens boursiers, mobiles en Europe et dans le Monde. Son objectif est de permettre à ses membres de s’entraider lorsque l'on rencontre des problèmes administratifs, de maintenir des contacts, de faire remonter certains problèmes comme ceux liés au montage des dossiers de financement. "Par exemple, nous pouvons rappeler à nos membres que l'allocation de mobilité des bourses Marie Curie n'est pas imposable en France, ce que l'administration fiscale a un peu tendance à oublier...".
Cet article s'appuie à la fois sur sa présentation lors de cet événement et à la fois, sur un échange que nous avons eu ensemble le 28/06/2013.
Pourquoi le choix de l'Italie ou comment cette opportunité s'est-elle présentée ?
La thèse (2001-2004) réalisée en cotutelle entre la France (Université de Paris-Sud) et l'Italie (Université de Florence) a été pour Eric l'occasion de développer une collaboration entre les deux équipes de recherche des deux pays, ainsi que de participer à un même réseau européen sur la turbulence dans les plasmas spatiaux. Les séjours en Italie étaient d'une durée allant de trois semaines à un mois et se sont étalés tout le long du doctorat. Grâce aux liens existant entre l'Ecole Normale Supérieure de Paris et la Scuola Normale Superiore de Pise - ville dans laquelle son Directeur de thèse italien, professeur à Florence, habitait - Eric a pu obtenir facilement un logement. En plus de l’allocation de recherche du Ministère de l’enseignement supérieur français, les frais de séjour ont été couverts par une bourse de la part de l'Université Franco-Italienne (environ 5000 €).
L'après thèse
Après la soutenance, l'expérience s'est poursuivie par un post-doc en 2005-2006 dans le même laboratoire en Italie, avec le directeur de thèse italien, dans le cadre d'un financement Marie Curie provenant du même réseau européen.
Le détour par la Grèce
Ce post-doc a commencé par un séjour de trois semaines à l'Université de Thessalonique (Grèce), dans un autre laboratoire, mais participant au même réseau européen. "Même si ce n'était pas un séjour très long, cela a été très intéressant scientifiquement. J'en ai profité pour essayer de replacer ma recherche de thèse dans un contexte plus large, et découvrir de nouvelles méthodes".
L'expérience aux Etats-Unis
Le contrat en Italie s'est poursuivi par un séjour de trois mois (mars-juin 2005) à l'Institut de Mathématiques Pures et Appliquées (Institute for Pure and Applied Mathematics – IPAM) à l'Université de Californie, Los Angeles (University of California – UCLA). Cela a représenté une nouvelle expérience d'équipe et de travail en réseau, car Eric n'est pas parti seul, mais avec son groupe italien : "on s'est tous retrouvés à Los Angeles. J'y ai travaillé à un programme de recherche et d'ateliers sur les simulations numériques en astrophysique. C’était très intéressant et ça m'a permis de beaucoup améliorer mon code de simulations numériques".
En termes de financement, le voyage et le séjour ont été pris en charge par le laboratoire américain et le salaire a été assuré dans le cadre de la bourse Marie Curie. Au niveau du logement, "j'ai trouvé une colocation avant de partir, dans un cadre très agréable, juste entre l'université et la mer, j'y allais en vélo".
Le retour en Italie
Après les quatre mois passés aux Etats-Unis, "je suis retourné en juillet 2005 à Florence, j'ai cherché un appartement et avec le salaire de la bourse Marie Curie, je n'ai pas eu de problèmes. Au niveau du réseau, les contrats étaient gérés par les équipes, ce qui représentait une durée de 3 ou 4 ans de post-doc par groupe". A Florence, "mon jardin était presque celui du Palazzo Pitti. Là aussi, je me déplaçais à vélo, je montais à l'Observatoire situé sur la colline où Galilée faisait ses observations, sa maison était juste derrière. Derrière l'Observatoire, il y avait les collines de Toscane. Un environnement très agréable". Un petit problème néanmoins à signaler au moment du départ : "le préavis en Italie est de 6 mois et je n'ai su que 3 mois avant la fin de mon contrat que je devais partir, le propriétaire du logement n'était pas très content, mais il a été finalement compréhensif. Quelques problèmes aussi au niveau de la résiliation du contrat téléphone et internet...".
Le réseau européen ayant commencé au cours de la thèse et durant 4 ans, le contrat à Florence n'a pu se renouveler après février 2006, mais l'expérience va se poursuivre en Angleterre.
L'expérience en Grande-Bretagne
Malgré la fin du réseau européen, Eric va être recruté par le Directeur de ce même réseau à l'Imperial College, à Londres, dans le groupe de physique spatiale et atmosphérique (Space and Atmospheric physics group - SPAT). Il y travaillera de mars 2006 à novembre 2007, dans le cadre d'un CDD "Postdoctoral Research Assistant".
Ce contrat était financé par le PPARC (Particle Physics and Astronomy Research Council). "Il y a plusieurs Research Councils, ce n'est pas comme le CNRS où les instituts ne sont pas indépendants. Arriver dans ce groupe de recherche était l'idéal pour moi, cela m'a permis d'ajouter à mon code de simulations numériques des effets physiques qui permettent en particulier d'en faire une comparaison directe des résultats avec les observations". Au niveau de l'hébergement, "j'avais une semaine payée à l’hôtel pour chercher un logement. Pas facile, car du coup mon salaire avait baissé par rapport à Marie Curie, alors que les loyers étaient très élevés (1000 € par mois pour une chambre). J’ai trouvé une colocation à 6, avec différentes nationalités. C'était très animé dans la cuisine. C'était un genre d'HLM, mais très bien situé, entre la gare Victoria et le labo.". Là encore, Eric fait le trajet de son domicile à son lieu de travail, en vélo, soit 10 minutes. "Ce que je faisais en arrivant dans un nouveau lieu, c'était d'acheter un vélo avant toute chose". L'expérience s'est très bien passée malgré des conditions matérielles moins bonnes.
Parallèlement, Eric a continué à se présenter à différents concours en France : CNRS, CNAP (Conseil National des Astronomes et Physiciens, des postes du Ministère de l'enseignement supérieur en astrophysique et géophysique, avec un service d'observation), Université (Maître de conférence)...
Le retour en France
Eric est rentré en France à l'automne 2007 dans le cadre d'un post-doc au CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), avec une bourse de recherche à Orsay, rejoignant ainsi, son ancien groupe.
Au niveau du logement, tout comme à Londres, cela n'a pas été facile, "sans historique récent d'emploi en France, sans contrat à durée indéterminée, avec un salaire ne dépassant pas 3 ou 4 fois le loyer... j'ai donc finalement trouvé un logement grâce aux services de l’Association Science Accueil destinée à faciliter l'accueil des chercheurs étrangers.
Au bout d'un an, en 2008, Eric va rejoindre le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) à l’Institut d’astrophysique spatiale, suite à un concours et dans le cadre d'un poste de chercheur permanent. "C'est une meilleure solution pour faire de la recherche".
Et si c'était à refaire ?
"Oui. C'était vraiment bien. Mais j'ai eu beaucoup de chance, les contrats précaires auraient pu s’accumuler pendant une durée trop longue si je n’avais pas eu le concours du CNRS. Une durée trop longue à l’étranger peut aussi rendre le retour plus difficile, par perte des contacts dans le pays d’origine. Il y a le pour et le contre. Continuer ce type d'expérience aurait été compliqué car j'ai aussi rencontré ma femme en Grèce au début de mon premier post-doc, mais 4 ans est la durée typique de post-doc jusqu’à un recrutement sur poste permanent dans mon domaine de recherche".
Mais si on vous avait proposé un poste de chercheur permanent par exemple, aux USA ou en Italie ? "Oui, pourquoi pas. Je n'étais pas vraiment résolu à revenir en France, mais c'est là que j'avais le plus de chances".
Quels conseils en termes de mobilité internationale pourriez-vous donner à un doctorant, un jeune chercheur ?
"Si les post-docs de durée courte se prolongent trop longtemps, il ne faut pas hésiter à faire autre chose que de la recherche, en utilisant les autres compétences qu’on a acquises. Il faut être prêt à s'adapter".
Quelques mots sur l'Association des boursiers Marie Curie ?
Eric a rejoint cette Association, créée en 1996 sous l'impulsion de la Commission Européenne, alors qu'il était boursier Marie Curie à Florence. C'est tout d'abord un réseau de chercheurs et d'anciens boursiers, mobiles en Europe et dans le Monde. Son objectif est de permettre à ses membres de s’entraider lorsque l'on rencontre des problèmes administratifs, de maintenir des contacts, de faire remonter certains problèmes comme ceux liés au montage des dossiers de financement. "Par exemple, nous pouvons rappeler à nos membres que l'allocation de mobilité des bourses Marie Curie n'est pas imposable en France, ce que l'administration fiscale a un peu tendance à oublier...".
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