Focus métier : Chargé de mission TIC dans une collectivité territoriale
Le fonctionnement de l’administration publique est bouleversé par l’arrivée du numérique. Au point de faire émerger un besoin sérieux de prospective et d’analyse sur le sujet. Les profils universitaires vont-ils pouvoir bénéficier d’une manière ou d’une autre de cette ouverture ? Nous avons fait le point sur la question avec Alain Vaucelle, docteur et chargé de mission TIC au sein de l’établissement public territorial Plaine Commune.
Quand on lui demande de résumer son parcours, Alain Vaucelle prévient : « j’ai un profil atypique ». Ce docteur en sciences de l’information et de la communication, diplômé de l’Université Paris 8 en 2005, a en effet connu plusieurs vies professionnelles, entre la France et les États-Unis, avant d’arriver à ses fonctions actuelles : médiateur social en Seine-Saint-Denis, ingénieur de recherche et chargé de cours à Telecom SudParis, ou encore à son compte, à la tête de deux sociétés de production et de prestations audiovisuelles…
En 2013, il candidate à Plaine Commune, après être tombé par hasard sur l’annonce recherchant un chargé de mission sur les questions de transformation numérique. « Je n’étais pas sûr de coller au profil à l’époque, car il correspondait plus à la description d’un profil hybride ingénieur-attaché territorial », raconte-t-il, « mais mon approche sociologique et mon expérience du terrain ont fait la différence. »
Alain Vaucelle s’occupe de tout ce qui touche de près ou de loin au numérique, en particulier en ce moment, le déploiement de la fibre optique sur un bassin de plus de 411 000 habitants, dans 9 villes de Seine-Saint-Denis. Beaucoup de son travail ne sort toutefois pas des murs de Plaine Commune. « Une des difficultés pour un chargé de mission numérique dans l’administration publique est le manque de transversalité. Par définition, le numérique touche toutes les composantes d’un territoire (habitat, voirie, emploi…) et implique de travailler transversalement. ». Une bonne part du temps du chargé de mission TIC consiste donc à « mettre de l’huile dans les rouages » : « être identifié correctement par mes collègues, trouver les personnes ressources dans l’administration pour accéder à tel ou tel contact… Au moins 60% de mon temps est ainsi consacré à de l’interne.»
Pour faire émerger des projets, Alain Vaucelle conserve néanmoins des liens forts avec le monde académique. « Dès 2014, je me suis rendu compte qu’on manquait de prospective sur la question du numérique et de la « ville intelligente » dimensionnée au niveau de Plaine Commune. J’ai rapidement soumis l’idée d’un centre de prospective numérique territoriale, qui a été acceptée par les élus. Pour le mettre sur pied, je me suis beaucoup appuyé sur le réseau construit pendant ma thèse, dans les universités de Paris 8 et Paris 13 ». Désormais créée, le centre TerriNum, hébergé à la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) Paris Nord, a pour vocation de réfléchir à la thématique de la ville intelligente avec une forte dimension sociale. L’initiative réunit l’Université Paris 8, le programme IDEFi Créatic, le laboratoire du Leden et la chaire ITEN de l’Unesco.
Des mercredis du numérique
Dans le département du développement économique où il officie, Alain Vaucelle doit beaucoup animer les équipes. Il va démarrer cette année au sein de Plaine Commune les « Mercredis du numérique », des rendez-vous réguliers pour faire discuter entre eux différents acteurs à l’échelle territoriale. Le premier, prévu le 22 février, fait écho à l’actualité, puisqu’il s’intitule : « Déploiement de la fibre optique, atouts et attractivité : quel avenir, quels enjeux, pour les communes et le territoire ? ». « Il y aura plusieurs intervenants : une start-up du territoire en pointe sur la technologie, un représentant d’un projet porté par Plaine Commune, deux représentants du Plan France très haut débit, la société Orange et un sociologue pour interroger les mutations provoquées par l’arrivée de la fibre optique », détaille le chargé de mission TIC.
La dimension sociologique du travail d’Alain Vaucelle n’est jamais totalement déconnectée de l’action des élus. Le chargé de mission a par exemple contribué par le passé à un projet porté par la direction de l’emploi sur une formation réservée à des autodidactes, pour répondre aux besoins en informatique d’entreprises implantées dans l’agglomération.
En tant que docteur au sein d’une administration publique, Alain Vaucelle admet encore occuper une « niche », même s’il prédit que ce ne sera plus le cas d’ici quelques années. Les chercheurs, habitués à travailler « en mode projet » et à aller à la pêche aux financements, notamment européens, auraient ainsi une agilité intellectuelle et une adaptabilité à mettre au service des collectivités territoriales. Afin de convaincre ce type d’employeurs, voire les rassurer, il faut tout de même être prêt à quelques concessions : « les docteurs doivent sortir de leur condition de chercheur et savoir s’intégrer à un monde plus opérationnel. Cela doit transparaitre y compris dans la façon de présenter son CV. Ne pas se contenter de lister des publications scientifiques mais les transformer en atouts : capacité à mettre en place et calibrer une veille, compétences rédactionnelles, approches prospectives etc. »
Avec la réduction d’effectif qui s’annonce dans la fonction publique, les places s’annoncent certes chères pour un poste pérenne, mais cette situation pourrait finalement convenir aux profils universitaires. « Le CDD constitue un bon moyen d’entrée pour voir si l’on peut trouver sa place, avant d’éventuellement tenter les concours », pointe Alain Vaucelle.
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