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Paroles de docteur : Mathilde Maillard, doctorante en sciences des matériaux et entrepreneuse

Nous avons profité de cet été pour solliciter Mathilde Maillard : une doctorante en sciences des matériaux et entrepreneuse lyonnaise. Avec elle, nous avons abordé son parcours, sa récente expérience de mobilité à Londres, ainsi que ses (nombreux) engagements en marge du doctorat ! Dans ce premier article, elle partage avec nous son parcours et nous fait part de sa perception de l'experience doctorale !

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Présentez-vous brièvement

Je m’appelle Mathilde Maillard et je suis actuellement en 3ème année de Doctorat, en plein dans le rush final de la rédaction ! Mes travaux de Recherche s’articulent autour du domaine des Matériaux puisque je réalise de la fabrication additive de matériaux céramiques pour des applications biomédicales. Dans les faits, je suis à l’interface entre beaucoup de disciplines telles que la mécanique des fluides, la chimie, la physique, les sciences de l’ingénieur, la biologie ou encore la mécanique. Je travaille actuellement au sein de laboratoire MATEIS à l’INSA de Lyon, et j’ai également effectué de février à juillet une mission en Angleterre pour une collaboration entre le laboratoire CASC de l’Imperial College London et MATEIS.


Quel est votre parcours ?

J’ai effectué deux ans en Suisse à l’École des Sciences Criminelles de Lausanne, qui était mon rêve depuis mes 14 ans. Cette formation très exigeante et très originale m’a fait découvrir le monde des nanomatériaux. En rentrant en France pour ma troisième année, je me suis dirigée vers une licence chimie des matériaux dans le but d’en apprendre plus sur l’utilisation des nanomatériaux. Il se trouve que j’ai sélectionné à l’époque une option Biomatériaux, qui a finalement détrôné toutes mes autres matières. Avec les biomatériaux j’ai pu entrevoir toutes les possibilités de carrières pluridisciplinaires qu’il me serait possible d’entreprendre. C’est donc pour cela que je me suis dirigée vers un master Ingénierie de la Santé Biomatériaux à Paris. Ce master était très complet et très intéressant puisqu’il m’a permis d’acquérir des connaissances aussi bien en matériaux, qu’en biologie, médecine, science de l’ingénieur, mais également en réglementation autours des dispositifs médicaux. Si comme pour moi, la pluridisciplinarité importe plus que l’expertise dans un domaine, je ne peux que vous recommander cette formation.


Comment s’organise votre activité ?

Les objectifs de chaque doctorant évoluent à chaque étape du doctorat. Pour schématiser, je propose une découpe par année. En première année : la phase exploratoire de mon sujet. J’ai passé beaucoup de temps au laboratoire afin de prendre en main mon sujet, d’apprendre la théorie derrière les matériaux que j’utilise. J’ai mené (et raté) nombre d’expériences. J’ai très rapidement (dès mon deuxième jour) commencé à expérimenter et à proposer des améliorations. Il est également important d’avoir une phase de lecture de ressources bibliographiques, même si dans mon cas j’y ai passé peu de temps au début. J’ai également eu la chance de partir en conférence plusieurs fois à l’étranger, notamment dans le but de présenter mes travaux, et mes débuts de résultats à la communauté scientifique. Mener un doctorat c’est aussi apprendre à communiquer à l’écrit et à l’oral sur notre sujet, et se construire notre réseau professionnel. C’est la raison qui m’a conduite à participer à plusieurs écoles d’été. Le réseau que vous pouvez avoir au sein des associations européennes et/ou nationales de doctorants dans vos domaines de recherche est essentiel. Par la suite, la pandémie a stoppé net mes expériences au milieu de ma deuxième année. La deuxième et troisième année constituent théoriquement la phase où nous gagnons en aisance à explorer notre sujet. Par conséquent, j’avais programmé de nombreuses manipulations sur ces deux ans. Notez qu’en ce moment (mois de juillet de ma troisième année), je jongle entre ma rédaction de manuscrit et l’obtention de résultats que j’aurai dû obtenir plus tôt.

Il me semble par ailleurs très important de savoir qu’il est possible de s’impliquer de manière active dans la vie de son laboratoire, mais aussi de ses institutions d’attache. C’est pourquoi, depuis ma première année, j’ai cumulé des postes de responsables des doctorant-es au sein de mon laboratoire, puis de mon école doctorale et actuellement du conseil scientifique de l’INSA de Lyon.


Parlez-nous de ce qui vous plaît et de ce qui vous plaît moins dans votre activité.

Le métier de doctorant-e est riche et permet d’acquérir énormément de compétences scientifiques, mais aussi de soft skills (ou compétences transversales). Le doctorat, c’est une aventure professionnelle et humaine unique. À mes yeux, il est synonyme d’intrapreneuriat. Cela signifie que notre sujet nous appartient. Nous travaillons pour nous-mêmes sous la supervision de notre équipe encadrante. Lorsque le cadre dans lequel nous évoluons est bienveillant, il est très appréciable de constater que nous sommes chef de projet, aux commandes d’un projet de recherche, et que cette expérience est unique puisqu’elle aboutit à l’obtention d’un diplôme.

Ce qui me plaît le moins, c’est que beaucoup de choses dépendent de nous. Il est très difficile de réussir à trouver un bon équilibre entre notre vie sociale, notre santé mentale, notre bien-être, et le travail de thèse. Nous avons tendance à nous mettre énormément de pression, en plus de la pression issue de l’environnement professionnel (peu bienveillant), ou personnel. Ne pas penser à sa thèse, même en congés, est très difficile. Prendre des vacances, sans culpabiliser (surtout à l’approche de la dernière année) est également difficile. Il faut jongler avec tous ces sentiments et ne pas se laisser envahir par le stress, la culpabilité, ou le besoin de se comparer aux autres. C’est parfois un réel combat contre soi-même.
 


Quel sont les compétences indispensables à l'exercice de vos responsabilités ?

Selon moi, il n’y a pas de compétences indispensables pour commencer ce métier, puisqu’au cours du doctorat, nous sommes amenés à apprendre énormément sur nous-même, ainsi que sur ce que l’on souhaite apporter à la société. Contrairement à certaines idées reçues (« pour faire un doctorat il faut être un intello » et « ne pas avoir de vie à côté », ou encore que « si nous ne sommes pas déprimés nous ne sommes pas de bons étudiants ») tout le monde peut se lancer dans un doctorat s’il-elle le souhaite. Je pense cependant, qu’une des plus belles qualités que nous pouvons mettre en avant dans ce métier est la curiosité. D’autre part, à mes yeux, l’esprit d’équipe et de collaboration sont très importants car la science se fait à plusieurs, et son savoir doit être partagé et mis à la portée du plus grand nombre. Être capable de se constituer un vrai réseau et de proposer des collaborations : c’est comme ça que la science doit avancer à mes yeux.


Que vous apporte l’expérience de recherche dans l’accomplissement de vos missions ?

L’expérience de Recherche, particulièrement en pleine pandémie, nous apporte la résilience nécessaire à gérer toutes sortes de responsabilités par la suite. Être doctorant-e, c’est difficile. Et les meilleures conditions possibles n’enlèvent en rien à la difficulté, ni au caractère exigeant de cette aventure. Au-delà de la résilience, l’expérience doctorale nous pousse à mettre en place des méthodologies pour atteindre une plus grande efficacité, mais aussi pour mieux gérer le temps et le stress. D’une discipline à une autre, les exigences (du quotidien, de rédaction du manuscrit, ou encore de soutenance) varient, mais gardent en commun le fait de partir d’un sujet et d’apporter des solutions à une problématique précise. Les savoirs et savoir-faire (notamment en termes de capacités d’analyse, de réflexion et de méthodologie) assimilés au cours du doctorat nous sont acquis et resteront utiles quelle que soit la voie choisie à la suite de la soutenance. C’est en partie pourquoi le doctorat peut mener à tout.

 

Avez-vous eu la nécessité de valoriser vos compétences afin de progresser, ou de déclencher des opportunités ?

Grâce à plusieurs formations proposées à l’école doctorale de l’université de Lyon, j’ai pu utiliser des outils informatiques pour lister toutes les compétences scientifiques et « soft skills » acquis au cours de ma thèse. C’est un exercice que l’on nous encourage à effectuer et que tout le monde devrait faire afin de mieux se rendre compte de toute la richesse des profils des jeunes docteur-es. Cet exercice est indispensable pour la valorisation de ce diplôme encore trop méconnu et déprécié en France*.

* Pour mener une démarche similaire et effectuer un examen de vos compétences, pensez à DocPro : le référentiel de compétences proposé par l’ABG, la CPU et le Medef. Il est gratuit et très simple à prendre en main >> www.mydocpro.org

 

Avez-vous suivi des formations sur des thématiques hors recherche ?

J’ai suivi plusieurs formations dans le domaine de la vulgarisation scientifique avec notamment l’entrainement au concours MT180, et bien évidemment beaucoup de formations sur l’entrepreneuriat scientifique, monter une startup, gérer son temps et son stress, changer son état d’esprit… car ce sont des sujets qui me passionnent. Grâce au SNEE (Statut National Etudiant Entrepreneur), au centre d’entrepreneuriat de Lyon ainsi qu’à Pulsalys , je suis depuis peu guidée dans l’exploration des questions qui entourent la protection de la propriété intellectuelle, et sur l’éventualité de lancer une startup basée mes travaux de Recherche. Au-delà, encore une fois, du réseau que j’ai pu acquérir via ces différentes formations et accompagnements, j’enrichis quotidiennement ma formation d’autres aptitudes, pour l’essentiel non scientifiques. C’est pour moi très important car, issue d’une formation universitaire, je manquais de connaissances dans les domaines de l’économie, de la gestion, du business etc.

 

Avez-vous sollicité de l’aide afin d’être accompagnée dans votre progression (mentorat, réseau…) ?  

Mon équipe encadrante a toujours été très présente et bienveillante envers moi. Ils ont très vite remarqué que je ne craignais pas d’expérimenter de nouvelles choses, ni de rencontrer du monde. Ils m’ont toujours proposé d’assister à des conférences, ou encore de m’engager (en tant que membre du bureau des jeunes chercheur-es en biomatériaux de France, un poste que j’occupe depuis bientôt deux ans). Qu’il s’agisse des questions relatives à la conduite de mon doctorat, ou de mes engagements parallèles, j’estime avoir beaucoup de chance de pouvoir échanger avec eux, et d’être bien conseillée. Il est important de souligner que mon laboratoire MATEIS, offre un cadre de travail optimal qui m’a permis de mettre en place des collaborations avec d’autres chercheur-es, issus du laboratoire comme de l’extérieur.

 

Parlez-nous du réseautage ? Comment le pratiquez-vous ? A-t-il joué un rôle dans votre progression ?

J’ai eu de nombreuses occasions de réseauter, notamment auprès de mon équipe encadrante, au sein de mon laboratoire, lors de conférences/colloques, au cours de plusieurs écoles d’été, avec des membres d’associations de jeunes chercheur-es, mais aussi grâce à la micro entreprise que j’ai mise sur pied en 2020 : Bien Dans Ma Thèse (BDMT). Afin d’informer et de contribuer à la valorisation du doctorat, j’ai, dans un premier temps, lancé une série de podcasts dans lesquels j’interviewais des doctorant-es mais aussi jeunes docteur-es sur leur vécu.  Cela m’a conduite aux constats qu’il existe :

  • peu d’information sur le doctorat, avant d’intégrer ses écosystèmes ;
  • beaucoup de clichés véhiculés.

Ainsi, le premier jour du premier confinement, nous avons pris l’initiative, avec mon amie le Dr. Eva Petitdemange, de lancer une plateforme discord ouverte à tous les doctorant-es francophones. Nous sommes aujourd’hui plus de 1400 personnes actives sur cette plateforme totalement pluridisciplinaire, qui constitue une communauté, un réseau, pour ses membres.

Le réseau que j’ai développé par le biais de BDMT et mon projet doctoral ont façonné ma vision du marché du travail, ainsi que des métiers qui me sont accessibles une fois diplômée. J’ai rencontré des médiatrices/médiateurs scientifiques, des journalistes scientifiques, des entrepreneur-es, des chercheur-es issus des secteurs public et privé, des consultant-es... Un très large éventail de métiers nous est accessible, il est essentiel de s’en rendre compte. Et le meilleur moyen d’explorer ce champ des possibles est d’aller à la rencontre de celles et ceux qui exercent ces métiers.

 

Qu’en est-il de l’encadrement que vous avez reçu (en tant que stagiaire, puis doctorante) ? Racontez-nous une expérience qui vous a grandement bénéficié. Et au contraire, parlez-nous d’une situation problématique qui aurait pu être gérée différemment.

En tant que stagiaire j’ai vécu diverses expériences plus ou moins agréables. J’ai été supervisée par des encadrants plus ou moins difficiles, ou absents. Toutefois, j’ai également manqué de maturité pour appréhender le monde du travail à certains moments. Ces stages ont été très formateurs et m’ont surtout permis d’entrevoir la possibilité de réaliser un doctorat, même si je reconnais qu’à l’époque, la réalité d’un tel projet m’échappait.

Plus tard, lors de mon doctorat, j’ai eu la chance de bénéficier d’un encadrement exceptionnel tant sur le plan humain, que sur le plan scientifique. Notez toutefois une chose essentielle : à l’époque où je cherchais un sujet de thèse, j’ai pris soin d’intégrer cet aspect à mes critères de recherche. Pour ce faire, j’ai interrogé nombre de doctorant-es en poste dans les laboratoires où j’avais été admise, afin de glaner le maximum d’informations sur l’ambiance générale, et plus particulièrement sur mes potentiels encadrants. C’est une étape extrêmement importante du montage d’un projet doctoral. De mon point de vue, le sujet doit passer après. J’ai choisi mon sujet de thèse pour le laboratoire et l’équipe encadrante alors qu’il n’était pas dans mon top 3 des sujets les plus « sexy ».
 


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