Paroles de docteur : Laure Roupioz. La mobilité internationale une aventure scientifique et humaine
Aujourd'hui en poste à l'ONERA, Laure Roupioz a parcouru un chemin considérable, notamment grâce à uen expérience de mobilité internationale aux Pays-Bas. Elle nous raconte cette aventure scientifique et humaine.
Auteur : Laure Roupioz, PhD
Le parcours suivi pour arriver au grade de docteur peut être très différent d’un étudiant à un autre. Le mien m’a amené à rencontrer de nombreuses personnes venant d’horizons très variés. Il m’a permis d’emmagasiner des connaissances et de gagner en expertise dans mon domaine mais également, et ce n’est pas moins important, de côtoyer des personnes de cultures très différentes et de travailler dans des contextes et avec des approches qui n’étaient pas les miennes. Je souhaite donc vous faire partager cette expérience au travers de ce témoignage.
Tout commence en France
Pour certains, le choix d’une formation ou d’un métier est une évidence. Pour d’autres, non. En terminale, je faisais partie de ceux qui ne savent pas encore quelle voie suivre pour la suite. Etant intéressée par tout ce qui a trait à la nature et l’environnement, j’ai opté pour une école d’ingénieur en agronomie. Une fois passées les classes préparatoires et la première année du cycle d’ingénieur, nous avions le choix : partir en échange ERASMUS pendant 1 semestre ou bien opter pour une formation double-diplôme. Le principe de cette formation était de réaliser l’intégralité de la dernière année dans une université à l’étranger puis un stage validant à la fois la formation d’ingénieur en France et le master étranger. Cette fois-ci, je savais exactement dans quelle direction je voulais aller. Pas pour un domaine d’étude en particulier, mais très motivée par l’envie d’aller voir ailleurs comment ça se passe. Je pourrais ainsi expérimenter d’autres façons d’enseigner et me confronter à d’autres cultures. Le sujet du master n’étant pas la motivation principale de ce choix et, quitte à partir à la découverte de nouveaux horizons, j’ai choisi un programme radicalement différent de ce que j’avais étudié jusqu’à lors, le master « Geo-Information Sciences and Remote Sensing ».
Puis les Pays-Bas
C’était la première fois que mon école proposait cette formation en double-diplôme, qui, contrairement aux échanges ERASMUS réalisés un peu partout en Europe, devait obligatoirement se dérouler dans l’université de Wageningen aux Pays-Bas. Autant dire que la destination ne me faisait pas rêver. A l’époque, j’aurais préféré un pays anglophone ou plus exotique. Oui mais voilà, cela permettait de partir un, voir deux ans à l’étranger et non 6 mois, avec un diplôme international à la clé… C’était tout décidé. Mes réticences concernant la destination se sont vite envolées. La petite ville de Wageningen abritant l’université du même nom compte plus de 12 000 étudiants venant de plus de 100 pays différents. Pas de doute, le côté exotique et multiculturel était bien au rendez-vous. De plus, la grande majorité des Néerlandais parlant très bien anglais, le fait de ne pas être dans un pays anglophone n’était plus un problème non plus. J’allais enfin pouvoir apprendre à m’exprimer correctement en anglais, chose qui, malgré plus de 10 ans de cours, m’était encore très difficile. Je me souviens d’ailleurs avoir passé à mon arrivée un examen pour évaluer mon niveau d’anglais auquel j’ai eu une note catastrophique. Quand le responsable du Master m’a dit que j’aurais à suivre des cours pour me mettre à niveau, je lui ai répondu gentiment que jusqu’à présent l’enseignement théorique de l’anglais ne m’avait pas trop réussi et que je préférais suivre mes amis dans les bars plutôt que de suivre des cours, que c’était pour moi la meilleure façon d’apprendre. Il a rigolé et m’a laissé faire et voilà, en 1 mois je parlais, pas parfaitement, mais correctement anglais! En tout cas suffisamment pour suivre les cours et m’amuser.
Dans cette atmosphère où personne n’est d’ici et tout le monde vient d’un peu partout, très marquée dans la petite ville de Wageningen, il est plutôt facile de s’intégrer. Tout le monde est un « étranger », loin de sa famille et ses amis, venu découvrir de nouveaux horizons et cela favorise les échanges et les rencontres. Même les étudiants néerlandais venus faire leurs études ici se mêlent, pour la plupart, bien volontiers aux étudiants d’autres nationalités et certains m’ont confié ne plus se sentir comme des « locaux ». Je me suis bien intégrée et rapidement sentie à ma place dans cet univers cosmopolite où il n’y a plus qu’une seule norme culturelle mais beaucoup de perspectives et de points de vue différents à comprendre et découvrir. Cela répondait pleinement à mon désir de voir ailleurs comment ça se passe. Cependant, ce que je présente dans cet article est une perception très personnelle de cette expérience que je considère unique et enrichissante. Parmi les gens que j’ai côtoyé, tout le monde ne l’a pas vécue de la même façon, chacun en a profité à sa manière et pour certains ce fût même difficile. Nous avions aussi tous des motivations différentes pour venir, pour certains c’était le souhait de suivre un cours bien particulier, pour d’autres une obligation dans leur cursus, les attentes n’étaient donc pas les mêmes. Il est aussi important de rappeler que pour les étudiants venant de pays avec un mode de vie très différent de la vie occidentale l’adaptation peut parfois être compliquée. Mais pour la plupart c’est l’occasion de vivre des aventures incroyables qu’il est parfois émouvant de partager. Je me souviens de la première bataille de boules de neige d’un ami Tanzanien ou des cours de vélo donnés aux étudiants n’ayant jamais enfourché une bicyclette de leur vie. On se met alors à réaliser que tout ce qui nous parait anodin ne l’est pas tant que ça !Contrairement à ce qu’on peut observer en France, les étudiants Néerlandais sont très à l’aise à l’oral, habitués à intervenir pendant les cours et à échanger avec leurs professeurs. J’ai été surprise par les interactions assez directes, qui avaient lieu pendant les cours. Dans la relation professeurs/étudiants, la différence hiérarchique est moins marquée que celle qu’on peut retrouver parfois en France, ou du moins celle que j’ai ressentie lors de mon cursus. L’absence de vouvoiement en anglais y est peut-être pour quelque chose mais pas seulement. Bien que cela puisse surprendre au départ, cela devient vite très appréciable.
Un point particulièrement intéressant dans la formation de master aux Pays-Bas est l’accent mis sur les projets interdisciplinaires. En tant qu’étudiants du master « Système d’Information Géographique et Télédétection », nous avons eu un projet à réaliser en complète autonomie avec des étudiants d’un master en architecture et aménagement du territoire. Ce projet s’est étalé sur plusieurs mois et avait pour objectif la mise en place d’une application pour guider les touristes dans une zone historique de la seconde guerre mondiale. L’expérience a été excellente car en plus de nos approches radicalement différentes sur le sujet, il a fallu composer avec la culture de chacun : des français travaillant plutôt dans leur coin, une allemande aimant tout diriger, des néerlandais très pointilleux, un chinois qui n’osait pas dire non…
Ce que je retiendrai de ce cursus entre le France et les Pays-Bas est l’éducation différente et complémentaire que j’ai reçue. Une formation française m’ayant apporté des méthodes de travail ainsi que de solides bases scientifiques et une formation néerlandaise m’ayant permis de prendre confiance en moi et de développer mes « soft skills » comme le travail en équipe et la gestion de projets dans différents contextes.
Et un peu plus loin
Une fois diplômée, j’ai travaillé à l’institut de recherche Alterra de l’université de Wageningen en tant que chercheur junior. Je préférais appréhender un peu le monde de la recherche avant de me lancer dans une thèse. Ce travail a été une expérience très enrichissante me permettant de collaborer avec des chercheurs du monde entier à travers différents projets. Dans le cadre de l’un d’eux, l’opportunité de réaliser une thèse s’est présentée. En plus d’être un sujet très intéressant, la thèse serait co-dirigée entre la France, les Pays-Bas et la Chine. Cela m’a pris 5 minutes pour accepter cette magnifique opportunité. Pour ce qui était d’aller explorer de nouveaux horizons, j’étais servie !
Ceux ayant eu plusieurs encadrants de thèse vous le diront, ce n’est pas facile tous les jours. Et si vous rajoutez à cela un mélange culturel, cela peut donner un résultat détonant. Même s’il y a eu quelques tensions et qu’il a fallu apprendre à se comprendre pour travailler ensemble, je n’aurais pas rêvé mieux comme encadrement. On est tous un peu formatés par notre parcours personnel et professionnel, on a grandi dans une culture qui laisse ses marques et il est parfois difficile de sortir de ce cadre pour voir les choses différemment. Même si l’exercice est difficile, il permet de progresser et même de sortir des sentiers battus en essayant d’adopter une autre perspective. Et ceci n’est-il pas ce qui est attendu d’un doctorant ? La démarche scientifique ne peut donc qu’en bénéficier.
Cette expérience est également positive d’un point de vue humain. Etant jusqu’alors essentiellement restée dans un contexte européen, aller en Chine a été une nouvelle étape dans la découverte culturelle et m’a permis d’observer une autre façon d’aborder le doctorat. Les relations avec mon encadrante chinoise ont parfois été compliquées mais on a toujours réussi à discuter librement. Elle se comportait différemment lorsqu’elle interagissait avec ses doctorants chinois, elle était plus dure et ces derniers ne disaient jamais un mot quand ils étaient dans son bureau. Le rapport hiérarchique n’était pas le même. Il fallait qu’elle maintienne sa crédibilité auprès des étudiants et de son équipe alors qu’avec moi, ce n’était pas nécessaire. Elle était habituée à travailler avec des européens et savait donc s’ajuster, sans trop s’offusquer lorsque je discutais certaines de ces idées. Il me fallait quand même être un peu moins direct qu’avec les Néerlandais... On s’adapte tous inconsciemment à la personne qu’on a en face mais le faire avec des gens qui n’ont pas les mêmes codes sociaux peut parfois être difficile.
Etant partie pour un ou deux ans, je suis finalement restée presque 7 ans aux Pays-Bas, avec de nombreux voyages entre-temps. Je suis rentrée en France pour des raisons personnelles et travaille maintenant en tant d’ingénieure de recherche en télédétection au sein de l’ONERA. Je suis moins amenée à interagir avec des étudiants ou collègues étrangers mais mon expérience passée me sert encore beaucoup aujourd’hui. En plus d’un réseau international solide, j’ai appris d’autres manières de travailler et à m’adapter à différents contextes. Dans le cadre de projets européens, la communication avec les autres partenaires est plus aisée. J’ai aussi appris qu’il est essentiel dans des relations de travail ou d’encadrement d’essayer de se mettre à la place de l’autre pour comprendre ses réactions. La plupart des conflits naissent d’une incompréhension, d’un manque de communication car nous n’avons pas tous le même vécu ou les mêmes codes et ceci même quand nous venons d’un même pays.
On dit que les voyages forment la jeunesse, mais ceci s’applique à tout échange multiculturel que l’on peut avoir, même au sein de son école ou université en France. Pour ce qui est de partir à l’étranger, ce n’est pas toujours facile mais il y a tellement à apprendre des autres à sortir de sa zone de confort… Donc si je n’avais qu’un message à faire passer : n’hésitez pas à nouer des contacts et à participer à des échanges internationaux, si ça ne fait pas avancer directement votre sujet, ça vous fera avancer vous !
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